Deux ans et six mois de prison avec sursis ont été requis mercredi à Bobigny à l’encontre des dirigeants d’une société de construction intervenue sur le chantier de la gare Saint-Denis-Pleyel où un ouvrier avait été tué par la chute d’une plaque en acier en janvier 2022.
La société Sampieri Construction était jugée mercredi par la 15e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny, avec ses ancien et actuel présidents, père et fils.
Six mois avec sursis et 7 500 euros d’amende ont été requis contre le premier pour homicide involontaire, car dirigeant de la société à l’époque des faits. Il n’était pas sur les lieux, contrairement à son fils, ouvrier et salarié de la société qui supervisait les tâches sur site et dont une manoeuvre au volant d’un monte-charge a causé le décès.
Deux ans de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende ferme ont été requis à son encontre pour homicide involontaire aggravé car il avait “conscience du risque causé par ses agissements”, a estimé le procureur.
75 000 euros ont été requis à l’encontre de la société.
Le colossal chantier de la gare Saint-Denis Pleyel, qui à terme accueillera l’enchevêtrement de quatre lignes de métro, s’étendait sur neuf niveau dont quatre souterrains.
Au niveau -3, Joao Baptista Fernandes Miranda, salarié d’Eiffage, “faisait son travail comme d’habitude” ce 5 janvier 2022, vêtu de son équipement de sécurité, a rappelé le procureur.
De l’étage supérieur, une plaque d’acier de 300 kg tombe et le percute à la tête. Le décès de cet homme de 60 ans est constaté à 12H34.
Il est l’un des cinq ouvriers décédés sur des chantiers du Grand Paris Express.
A l’origine de la chute, une manoeuvre à l’étage supérieur effectuée par un salarié de la société Sampieri Construction, chargée de la construction des murs, comme sous-traitante pour l’entreprise Besix.
Au vu des délais pour une mise en service du prolongement de la ligne 14 pour les JO-2024, les deux catégories de travaux (génie civil par Eiffage et aménagement par Besix) étaient réalisées en même temps.
Trois accidents mortels chaque jour
Les débats techniques se sont notamment concentrés sur la trémie, grand trou dans un plancher permettant de faire passer gaines, matériels voire escaliers dans un chantier.
Elle était entièrement recouverte par trois plaques en acier, vissées pour empêcher toute chute. Le jour des faits, elles étaient déboulonnées.
De l’avis de l’inspecteur du travail, intervenu le jour-même, les plaques ont volontairement été dévissées pour faciliter le traçage d’un mur à construire.
“La version accidentelle du heurt de son chariot élévateur contre les plaques” n’est “validée par aucun élément matériel et aucune déclaration”, a-t-il affirmé à la barre, considérant que c’était “inventé post-accident”.
“Cette manœuvre et le fait d’avoir ôté cette protection collective est une décision délibérée” du prévenu, a abondé le ministère public.
La défense s’est notamment dédouanée sur l’entreprise donneur d’ordre, chargée des protections collectives et de leur contrôle.
Sur la manœuvre critiquée, c’est “difficile de comprendre exactement comment ça s’est passé”, a déclaré le principal prévenu qui faisait un demi-tour au volant du chariot élévateur. L’homme de 36 ans a toutefois reconnu une éventuelle faute dans la gestion de l’engin, les fourches étant très proches du sol.
Mercredi matin, les six enfants du défunt étaient présents. Déjà orphelins de mère, “du jour au lendemain ils se retrouvent sans rien”, l’un encore mineur, témoigne pour eux leur avocat, Me Julien Colas. Un frère arrête ses études pour travailler.
Leur père, résidant à l’Île-Saint-Denis était “heureux parce que pour une fois, il a un chantier pas très loin de chez lui”, à un an de la retraite.
“A la barre, j’ai entendu venant des prévenus +c’est un drame+ mais à aucun moment j’ai entendu +je suis désolé pour vous de ce qui est arrivé+”, a regretté l’avocat des parties civiles.
“Il y a trois accidents mortels au travail par jour toutes professions confondues”, a rappelé Marion Ménage, avocate de la CGT FNSCBA, représentant les salariés du bâtiment.
“C’est quelque chose de systémique qui mérite que ce soit su et dit”, selon elle. Les ouvriers du bâtiment “ne sont pas des professionnels qui se plaignent mais des gens qui travaillent extrêmement dur et dans des conditions extrêmement difficiles”.
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