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Guerre des cités à Saint-Denis : Amin se souvient de la fusillade qui a tué son meilleur pote

Guerre des cités à Saint-Denis : Amin se souvient de la fusillade qui a tué son meilleur pote

Il garde en mémoire le son de la Kalachnikov qui a tué, en 2018, son meilleur ami Luigi, 16 ans, et le cri entendu juste avant : “Allume-le”. Rescapé d‘”une scène de guerre” entre cités rivales de Saint-Denis, Amin a relaté la fusillade vendredi, devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis.

Pendant des années, Amin ne “voulait pas parler” à la justice, lui qui n’avait que 16 ans, le 17 septembre 2018, quand il a été blessé par balle à la jambe et a perdu son “meilleur pote”, tué par tir d’AK-47, entre un local poubelles et un bâtiment HLM de la cité Romain-Rolland.

“J’habite dans un quartier (Joliot-Curie, à Saint-Denis, ndlr) où dire les noms, ce n’est pas facile et je ne fais pas l’unanimité (en venant) ici”, comme partie civile, dit le jeune homme de 22 ans, sous le regard des cinq hommes jugés – à peine majeurs à l’époque, âgés de 25 et 26 ans aujourd’hui.

Le procès pour meurtre en bande organisée a débuté mardi à Bobigny et s’achèvera le 14 février. “Je suis ici pour Luigi et sa famille, c’est le minimum que je peux faire pour eux”, dit Amin.

Derrière lui, les trois sœurs et les parents d’origine cap-verdienne de l’adolescent mort. La mère est auxiliaire petite enfance, le père peintre en bâtiment.

Toute une famille “traumatisée” qui dit vivre sans “soleil” depuis le meurtre, telle la petite sœur, 10 ans à l’époque, qui se sent “toujours seule” depuis que son frère a été tué.

La voix d’Amin flanche quand il dit de Luigi : “Il n’y a pas un jour depuis le 17 septembre 2018 ou je n’ai pas sa tête dans ma tête”. Il a depuis laissé derrière lui la petite délinquance et la prison, est devenu agent de nettoyage.

Un témoignage rare

Nombre de témoins ont refusé de s’exprimer. Il en veut aux habitants de sa propre cité : “On est six ans après. Qui va sur sa tombe ? Qui est prêt à parler ? On n’était pas tous seuls. On a beaucoup d’amis mais au final, voilà…”.

“Vous, vous parlez !”, souligne son avocate Anne Rossi, évoquant “son grand courage”, dans l’ambiance “tendue” du procès.

Ce jour-là, Luigi et Amin étaient encore des “petits” ayant suivi “des grands” de Joliot-Curie, pour une expédition dans la cité Romain-Rolland.

“à balles réelles”

“Vous aviez une batte de base-ball. Luigi une barre de fer. (…) Vous étiez dans une optique pacifique ?”, le provoque l’avocat d’un accusé, Me Grégoire Etrillard.

“On était dans une optique de bagarre”, réplique Amin, expliquant avoir “poursuivi des petits”. Mais ils ne s’attendaient pas, dit-il, à ce qu’on leur tire dessus “à balles réelles”.

Pour l’avocate générale, Amin présente “un syndrome du survivant” et “un sentiment de culpabilité” – qui lui a fait dire qu’il ne part “pas en vacances parce que Luigi, lui, ne le peut plus”.

Son récit des faits ayant varié, la défense le cuisine.

Quand il redonne les noms des quatre qu’ils a “vus armés”, la représentante du parquet lui lance : “Est-ce qu’accuser des gens (…) va vous enlever votre culpabilité ? Est-ce parce que vous êtes convaincu que ce sont eux?”. “J’en suis sûr”, répond-il.

Comment en est-on arrivé là ? Amin admet que les deux cités allaient de “provocation” en “provocation”, avec des tirs en l’air par exemple.

“Il m’a dit que Luigi est mort pour son quartier, ce sont des mots forts”, relève l’enquêtrice de personnalité.

Connu de la police pour des vols à la portière, Luigi avait été placé à 15 ans dans un foyer d’une autre ville, avec interdiction de paraître à Joliot-Curie, a-t-elle souligné. Revenu vivre chez ses parents, il devait entrer en seconde professionnelle.

Une grande sœur de la victime, étudiante de 25 ans, a mentionné que les “provocations” avaient continué sur les réseaux sociaux après sa mort. “Sur Snap, j’ai vu des musiques AK47, revenez, vous savez ce qui vous attend, des phrases de ce genre.”

Elle connaissait de loin trois des accusés – qui baissent la tête quand elle parle. Ils avaient été “dans le même collège” ou “le même centre de loisirs”.

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