Créteil, Versailles, Paris, Aix-Marseille… Dans ces académies, le manque d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dépasse 20% et atteint jusqu’à 36,9% dans le Val-de-Marne. L’association Une école inclusive pour tous a décidé de les assigner en justice. À l’origine de l’offensive judiciaire, Audrey Tatry, qui avait déjà saisi, avec succès, le tribunal administratif de Montreuil en 2023 pour défendre les droits de son fils Sohan.
La grève des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) qui battent le pavé ce mardi après-midi pour réclamer un statut de fonctionnaire a déjà l’effet d’une caisse de résonnance. “On a plus le choix, nous en tant qu’association on pallie aux manquements du gouvernement, ça ne peut plus durer“, souffle Audrey Tatry, fondatrice et présidente d’Une école inclusive pour tous.
“Des dizaines de parents nous ont appelé après la rentrée scolaire parce que le nombre d’heures de suivi par une AESH qui est notifié pour leur enfant n’était pas respecté“
Avec son avocat, et ex député EELV, Julien Bayou, elle a engagé une action de groupe contre une dizaine de rectorats, face aux cessations répétées de mise en œuvre des notifications MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). La jeune femme sait de quoi elle parle. L’association est née à Rosny-sous-Bois de son propre combat. En 2023, elle avait obtenu gain de cause devant la justice administrative, contraignant le rectorat de Créteil à attribuer le nombre d’heures notifiées par la MDPH pour l’inclusion scolaire de son fils Sohan. “Des dizaines de parents nous ont appelé après la rentrée scolaire parce que le nombre d’heures de suivi par une AESH qui est notifié pour leur enfant n’était pas respecté. Et quand il y a une notification individuelle, ils ont en fait une AESH mutualisé“, explique Audrey Tatry.
Lire : Handicap à l’école : profs et parents d’élèves manifestent au rectorat de Créteil
50 000 enfants sans solution d’accompagnement AESH
Sur son site internet, l’association publie les chiffres très officiels communiqués en octobre par la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur “les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap et les coûts de ces défaillances pour la société”. Dans les dix académies où le manque d’AESH est le plus fort, 31 606 élèves en situation de handicap ne sont pas accompagnées sur un total de 157 816. Créteil arrive en deuxième position derrière Aix-Marseille avec un taux de 22,1%. Dans cette académie, le taux monte toutefois à 36,9 % dans le Val-de-Marne contre 17% en Seine-Saint-Denis et 15% en Seine-et-Marne. “Ces données qui n’avaient jamais été révélées par l’administration sont bien la preuve des manquements de l’État. Je pense que c’est la pire année“, assène Audrey Tatry. De fait, selon les chiffres de la Dgesco, de près de 50 000 enfants était sans solution d’accompagnement AESH pour toute la France en septembre 2025.
| Académies | Élèves non accompagnés | Nombre d’élèves en situation de handicap | Taux d’élèves non accompagnés |
| Aix Marseille | 7 460 | 20 849 | 35,8% |
| Créteil | 6 210 | 28 097 | 22,1% |
| Versailles | 5 697 | 26 786 | 21,3% |
| Orléans | 1 416 | 7 383 | 19,2% |
| Nantes | 3 155 | 16 840 | 18,7% |
| Paris | 1 533 | 9 816 | 15,6% |
| Rennes | 2 497 | 16 433 | 15,2% |
| Reims | 652 | 5 253 | 12,4% |
| Grenoble | 2 428 | 20 030 | 12,1% |
| La Réunion | 558 | 6 329 | 8,8% |
| Total | 31 606 | 157 816 | 20% (en moyenne) |
“On fait semblant de faire de l’inclusion“
Pour Audrey Tatry, “ce n’est pas une question de moyens, mais d’envie de mettre les moyens“, considère-t-elle. “On fait semblant de faire de l’inclusion. La situation est dramatique. Il y a les enfants qui n’ont pas d’accompagnement, mais il y a aussi ceux qui ont un accompagnement approximatif, par exemple ceux qui ont 1 heure d’accompagnement alors qu’il ont 20 heures de notifié“, tacle-t-elle. Or, à ses yeux, la question des AESH n’est qu’une facette du problème d’inclusion scolaire. “Il y a aussi les outils adaptés aux enfants en fonction de leur handicap, il y a les formations, les sensibilisations… Mais, en réalité, il faut une refonte complète de l’Éducation nationale“. Elle a d’ailleurs lancé une boite à outils, l’Adaptabox, spécialement conçue pour des enfants “à besoins particuliers”, en partenariat avec le rectorat de Créteil et qui intéresse maintenant la région Ile-de-France. “Il est possible que ces recours en justice nous causent du tort. Mais le but de notre association est avant tout de défendre le droit de nos enfants, pas de faire des Adaptabox“, considère-t-elle.
“Ça n’a aucun sens pour un parent d’aller au tribunal. Ils ont bien d’autres combats à mener“
À l’origine de l’action de groupe, tout est parti d’actions individuelles comme celle qu’elle a elle-même intentée pour son fils. L’association Une école inclusive pour tous a commencé à orienter des parents vers le cabinet de Julien Bayou qui a lui même une opération “Mon AESH”. “Mais dès le départ, je me suis dit qu’il fallait aller plus loin. Ça n’a aucun sens pour un parent d’aller au tribunal. Ils ont bien d’autres combats à mener. Certains n’ont pas de quoi se payer un avocat. Le but, maintenant, c’est que ça change. Je veux ouvrir le champ des possibles et surtout un vrai débat sur l’inclusion.“
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