Enseignants, graphistes, médecins, parents d’élève, syndicalistes, agents d’entretien, chômeurs… De ville en ville, les AG se multiplient et fédèrent des publics différents. Une centaine de personnes se sont ainsi rassemblées lundi soir devant la mairie de Bagnolet, une autre devant le café “Le Royal” aux Lilas… Reportage.
Comme dans de nombreuses villes, le mouvement “Bloquons tout” a tenu ce lundi une assemblée générale (AG) informelle à Bagnolet pour organiser la mobilisation du mercredi 10 septembre. Michèle, militante syndicale de la CGT distribue des tracts devant devant l’hôtel de ville : “Le sacrifice pour le monde du travail, ça suffit !” peut-on y lire.

“Le signal que l’on doit envoyer au futur gouvernement doit être fort. Mais il faut qu’il le soit aussi pour nous-même“
Peu à peu, une ronde prend forme vers 18h00 devant l’hôtel de ville de Bagnolet. “On est là pour fêter la censure du gouvernement et pour répondre à l’appel à se rassembler devant les mairies de France“, explique Julien, enseignant. “Il faut profiter de ce moment pour se rencontrer et voir ce que l’on peut faire ensemble. J’espère qu’il y aura du monde. L’objectif est de faire remonter que la population veut impôt plus juste. Je suis professeur. On est aux premières loges de ce que ça signifie que le manque d’impôt pour financer le commun et le service public. Les recettes existent, elles sont dans les exonérations de cotisations sociales, dans les exonérations faites aux entreprises, dans les niches fiscales… Le signal que l’on doit envoyer au futur gouvernement doit être fort. Mais il faut qu’il le soit aussi pour nous-même, pour que la population se sente puissante, en capacité de s’organiser et de revendiquer des choses ambitieuses pour la République“, estime-t-il.
“Ne pas se retrouver avec une alternance entre les mercredis citoyens et les jeudis syndicats“
Une casserole fait office de bâton de parole, sous l’œil distant des politiques locaux. “Pour faire reculer une politique comme celle qu’on veut nous imposer, il n’y a que la grève“, déclare une enseignante, militante de Lutte ouvrière. “Pour ceux qui ont ont un lieu de travail, il faut réfléchir à la grève reconductible“, abonde David, de la CGT Santé dans le Val-de-Marne. “Cette date du 10 septembre est venue des citoyens, en dehors des organisations syndicales et des partis politiques, et il faut que ça le reste“, insiste David, qui propose toutefois de réfléchir à une coordination avec les syndicats “pour ne pas se retrouver avec une alternance entre les mercredis citoyens et les jeudis syndicats.” “C’est très bien de mettre en grève, mais pour faire quoi ? Faire des manifs ça ne marche plus. Il faut penser à d’autres choses et parler de blocus et blocage concret“, pointe une autre enseignante du Sud Education 93. “Se mettre en grève c’est aussi pour bloquer l’économie“, relève un travailleur qui se présente comme indépendant. “Il faut faire attention à qui impacter sur un blocage. Donc pourquoi ne pas se fédérer avec Montreuil, Les Lilas et faire les rassemblements dans le 16ème arrondissement ou à La Défense“, propose un autre syndicaliste. “Ce mouvement est très important. Je suis directeur d’un théâtre qui est en danger de fermeture parce qu’il a vu s’effondrer ses moyens d’accompagnement public. Ces coupes ne sont pas isolées. Elles impactent les enseignants, les travailleurs sociaux, le monde hospitalier. La seule chose qui peut nous sortir de là, c’est une mobilisation d’ampleur qui soit suffisamment imaginative dans ses moyens d’action, et s’inscrive dans la durée. Les gens n’en peuvent plus. On est submergé d’informations mensongères, il y a un niveau de corruption inédit et les partis politiques sont dans une impasse“, estime encore Régis Hebette, fondateur du théâtre L’Échangeur.
“Les politiques s’en foutent. Franchement, je ne sais pas si que va se passer mais il faut que ça change“
Autre ambiance aux Lilas où l’AG se tenait au pied des tours du quartier des Sentes devant le café Le Royal. Pas de casserole, mais un micro qui passe main en main. Comme à Bagnolet, plusieurs idées de mobilisation et de blocages ont été discutés. La première décision collective est de faire imprimer un tract. “J’espère qu’on se fera entendre. Il y a trop d’injustices, trop de pauvreté. Ça fait 12 ans que je travaille comme VTC. Quand on passe à La Chapelle, on voit les gens qui dorment dehors et qui meurent de faim. Les clients retraités qui après 40 ans de travail ne peuvent même pas se payer une séance de cinéma. Le travail ça ne rapporte plus de quoi vivre, on est des esclaves en liberté. Les politiques s’en foutent. Franchement, je ne sais pas si que va se passer mais il faut que ça change“, considère Kamila qui a pris le rassemblement en cours de route, ses sacs de courses à la main. “Ce qui est intéressant c’est que ce moment peut permettre de rassembler des gens qui partagent les mêmes valeurs de vivre-ensemble et d’échanger sur nos situations respectives“, observe Alice, trentenaire, designer et enseignante, venue de Bagnolet avec son compagnon, Loris, concepteur-lumière. “Quand on s’écoute, on a presqu’envie d’être radical, tellement les injustices sont grandes et que ça ne bouge jamais. En fait, j’ai l’impression de n’avoir jamais voté pour moi, ce qui m’a peut-être éloigné du militantisme alors que je partage les valeurs“, juge-t-il.
“Il y a clairement quelque chose qui se passe. On a organisé beaucoup d’AG dans le secteur depuis plus de dix ans et on n’a jamais eu autant de monde“
Reste à voir combien de personnes prendront part à la mobilisation mercredi. Charlotte, qui a animé les débats, ne doute pas de l’engagement. “Il y a clairement quelque chose qui se passe. On a organisé beaucoup d’AG dans le secteur depuis plus de dix ans et on n’a jamais eu autant de monde. Les gens veulent faire les choses, participer à l’organisation du mouvement, ce qui n’était pas le cas avant“, estime cette enseignante du 1er degré, syndiquée FSU-SNUipp. “Personnellement, je défends un mouvement très ouvert, parce que si l’on veut massifier, il ne faut pas que l’on soit caché. C’est le moment d’inventer quelque chose, d’arrêter de subir le système et surtout de redonner du sens“, enjoint-elle.
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