Politique | | 01/12
Réagir Par

La dénonciation par une victime, du soutien d’élus d’Ivry-sur-Seine à son violeur, provoque une déflagration politique

La dénonciation par une victime, du soutien d’élus d’Ivry-sur-Seine à son violeur, provoque une déflagration politique © StreetView

“Considérez-vous compatible avec les valeurs de votre municipalité que des élu·es se présentent ou témoignent dans un procès pour viols en soutien à celui qui est désormais reconnu coupable ?” Telle est la question qu’a posé Mélissandre dans une lettre ouverte au maire d’Ivry-sur-Seine publiée en pleine semaine de la lutte contre les violences envers les femmes. Depuis, trois des élus concernés ont démissionné, le quatrième, le 1er adjoint, s’est vu retirer sa délégation.

Le 7 novembre, Jalys, ancien militant des Jeunes communistes, a été reconnu coupable du viol de deux jeunes femmes. Pour l’une des victimes, Mélissandre, c’est la conclusion d’une plainte déposée en 2018, en même temps que se libérait la parole sur les agressions sexuelles au sein du mouvement politique de jeunesse. Les faits s’étaient produits en 2016 lors d’un camp d’été. Pour Mélissandre, cette issue judiciaire ne pourra toutefois suffire à lui rendre justice. Car, au traumatisme initial, s’est ajouté celui de constater le soutien d’élus d’Ivry-sur-Seine à son violeur, notamment durant le procès. Alors que le verdict a été rendu, l’ancienne militante a donc décidé de dénoncer publiquement, en son nom propre, la situation, écrivant une lettre ouverte au maire, publiée sur les réseaux sociaux.

“La présence de plusieurs élu·es de votre municipalité lors de ce procès n’était pas un fait isolé : elle est
l’aboutissement de sept longues années de soutien public à notre violeur
, rappelle d’abord la jeune femme, alors que le violeur est apparu sur des photos de manifestations publiques, aux côtés d’élus de la ville. Ce procès constitue le point d’orgue de cette stratégie de protection, avec pour conséquence directe de nous exclure socialement, politiquement et de légitimer, aux yeux du public, l’impunité de l’agresseur.”

Quatre élus de la ville présents au procès, en soutien à l’accusé

Lors de ce procès, quatre élus de la ville étaient présents : le premier adjoint, Romain Marchand, n’a pas témoigné mais était présent dans la salle, “pour soutenir l’accusé”, dénonce Mélissandre. L’adjointe Sarah Misslin, elle, est venue témoigner “en faveur de l’accusé”. Un autre conseiller municipal, Mehdi Mokrani, était entendu comme témoin de moralité, et une quatrième élue, Séverine Peter, était dans la salle.

“Que madame Misslin, l’adjointe en charge de la prévention de la délinquance et de la tranquillité publique, ancienne cheffe de projet dans une association de défense des droits des femmes, témoigne contre deux victimes de viols, allant jusqu’à expliquer qu’il y a de vrais victimes et de fausses victimes, est un fait extrêmement grave. Entendre une élue de la République prononcer ces mots était tout simplement insoutenable psychologiquement, au point de devoir quitter la salle d’audience. Pour moi, pour l’autre victime, et pour toutes celles qui ont vécu ou vivent encore des violences sexuelles, ce soutien public à un accusé, aujourd’hui reconnu coupable, a été une violence supplémentaire. Il a ravivé les mécanismes que nous avons subis dans le milieu militant : l’entre-soi, les alliances masculines, l’omerta, et la protection des agresseurs au détriment des victimes”, témoigne Mélissandre, dénonçant un “fossé” entre les prises de position publiques de la ville, très engagée contre les violences envers les femmes, et “les pratiques réelles” de certains élus.

“Je n’ai jamais dit qu’il y a de vraies victimes et de fausses victimes, dément Sarah Misslin. Je suis incapable de le penser dans mon engagement féministe.” L’ex-adjointe à la tranquillité publique, la propreté et la prévention des violences, qui vient de démissionner du conseil, justifie sa présence au procès, non pour remettre en question la parole des victimes mais pour éclairer la “complexité” de l’accusé. “J’ai moi même été victime de viol, affaire qui a abouti à un non-lieu, et Jalys m’a beaucoup soutenu. Mais je comprends que cela soit difficile à entendre. Je ne remets en tout cas aucunement en cause le verdict. A l’époque, du reste, je l’ai suspendu de ses droits d’adhérent”, explique l’ancienne élue.

Distinguer l’ami du violeur

Sur les réseaux sociaux, Romain Marchand défend lui son amitié avec le coupable. “A travers ma présence, mon intention n’était pas de lui apporter une caution, mais de l’accompagner dans une épreuve où il devait répondre de ses actes, pouvant mener à une condamnation lourde”, déroule le 1er adjoint. “Je sais que lorsque l’on est élu, tout ce que l’on fait à titre personnel ne l’est jamais tout à fait : on ne se découpe pas, et j’accepte cette idée. Dans ce cas, je reconnais n’avoir pas pensé que ma présence pourrait être vue comme une prise de position publique et donc un soutien de nature politique. Je mesure aujourd’hui que c’est le cas et je m’en excuse sincèrement auprès des victimes, ainsi que de toutes celles et ceux que cela a heurté”, ajoute-t-il.

“grave erreur d’appréciation”

De son côté, le maire de la ville, Philippe Bouyssou (PCF) reconnaît une “grave erreur d’appréciation” concernant notamment les conséquences psychologiques pour la victime d’avoir vu le coupable continuer à apparaître publiquement aux côtés des élus, et des élus apparaître au tribunal.

Trois démissions, un retrait de délégation

L’édile est en gestion de crise depuis la parution de la lettre ouverte, le 26 novembre. Jeudi 27, deux réunions d’urgence ont ainsi été organisées, dont une avec l’ensemble de la majorité, donnant à voir des positions différentes des uns et des autres concernant la suite à donner. Mais, jeudi, le maire avait conclu ces réunions par un engagement à ne pas sanctionner les élus. La décision a été prise vendredi matin. “Entre temps, j’ai pris la mesure de la situation et en ai conclu qu’on ne pourrait pas s’en sortir autrement”, indique le maire. C’est vendredi, donc, qu’il a demandé aux quatre élus présents de rendre leurs délégations. Trois d’entre eux ont démissionné, Sarah Misslin, Séverine Peter et Mehdi Mokrani. Romain Marchand, qui n’a pas démissionné, reste 1er adjoint, indique le maire, mais ses délégations lui ont été retirées. “Je lui retire ses délégations car cela relève de l’autorité du maire, mais il reste adjoint et je ne présenterai pas en conseil municipal de délibération pour lui retirer son statut d’adjoint”, précise l’édile à 94 Citoyens. Sur le site de la ville, l’élu apparait toutefois comme simple conseiller, en fin de liste de la majorité. (actualisation à 15h40, le cabinet du maire a indiqué qu’il s’agissait d’une erreur technique, réparée depuis, le 1er adjoint est donc de nouveau indiqué comme tel)

La question sera sans doute aussi au menu du comité de campagne prévu ce lundi avec le PCF, LFI, Les Ecologistes, Génération.S et l’Après, pour travailler à un accord en vue des municipales 2026.

Lire tous nos articles sur les élections municipales 2026 en Val-de-Marne

A lire aussi sur les élections municipales 2026 en Val-de-Marne

Vitry-sur-Seine stoppe la retransmission des conseils municipaux
L’actu des municipales 2026 en Val-de-Marne #1: le maire de Fontenay se lance, candidatures, Adel Amara publie un livre préfacé par Christian Favier
Détournement de fonds publics : l’ex député-maire de Fresnes, Jean-Jacques Bridey, à la barre
Municipales 2026 en Ile-de-France : l’UDI désigne 74 chefs de file
Municipales 2026 à Joinville-le-Pont : la gauche fait l’union autour d’Agnès Astegiani
Municipales 2026 à Joinville-le-Pont : Olivier Dosne passe le témoin à Francis Sellam
Municipales 2026 : 49 chefs de file pour Horizons en Ile-de-France
Municipales 2026 en Ile-de-France : le Modem désigne une trentaine de chefs de file
Lire tous nos articles sur les élections municipales 2026 en Val-de-Marne
Abonnez-vous pour pouvoir télécharger l'article au format PDF. Déjà abonné ? Cliquez ici.
Aucun commentaire

    N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.

    Ajouter une photo
    Ajouter une photo

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

    Vous chargez l'article suivant