Le maire de Joinville-le-Pont, Olivier Dosne, a-t-il favorisé sa propre pharmacie en l’épargnant des expropriations liées à la zac des Hauts-de-Joinville, contre l’avis du commissaire enquêteur, avant d’en revendre les murs avec une belle plus-value ? Le Parquet de Créteil a ouvert une enquête.
C’est un article du Monde, daté du 28 décembre, qui a révélé l’affaire, après que le plaignant à l’origine de l’enquête, un médecin retraité dont la maison n’a pas été sauvée de l’expropriation, a décidé de rendre la chose publique.
La Zone d’aménagement concerté (Zac) des Hauts-de Joinville, initiée en 2008 et réalisée dans les années 2010, a contribué à repenser complètement la rue de Paris, artère commerçante où est située la mairie, à proximité du RER A de Joinville, près du bois de Vincennes et de l’entrée de l’autoroute A4. Un gros projet de refonte urbaine qui a permis de transformer un bâti vieillissant tout en suscitant la controverse en raison de la densification l’accompagnant.
Dans le cadre de cette mutation urbaine, des parcelles ont été expropriées afin de permettre la reconstruction d’immeubles neufs. C’est dans ce contexte qu’une enquête publique a été menée en 2009, pour justifier de l’utilité publique de ces expropriations. Une partie de la zac, l’îlot C, dans lequel se trouvait l’ancienne pharmacie du maire, Olivier Dosne (Libres) au 36 rue de Paris, a toutefois été épargnée par les expropriations. À l’époque, cela a fait tiquer le commissaire enquêteur, Gérard Dessier, qui en avait fait une ligne rouge. Dans ses conclusions, ce dernier avait ainsi rendu un avis favorable avec des conditions suspensives, dont celle d’intégrer la parcelle du 36 rue de Paris dans la zone à exproprier.
Un sérieux avertissement du commissaire enquêteur
Dans son rapport d’enquête, un paragraphe complet sur la “prise d’intérêt privé”, motivait cette condition suspensive. “Les opposants au projet ainsi que les responsables de la mairie reconnaissent que les bâtiments conservés : pharmacie, agence immobilière et agence de voyage, sont des constructions ne présentant aucun intérêt architectural, qu’ils ne sont pas des éléments référents du passé et qu’ils seront difficilement intégrables aux nouveaux bâtiments. Les responsables municipaux avancent Ie coût important de ces expropriations et, en corolaire, un bilan déficitaire pour cet îlot. Toutefois, il ne nous a pas été remis d’informations précises sur Ie coût prévisible des expropriations de ces parcelles. Sur les deux parcelles concernées, Ie terrain du 36 rue de Paris (pharmacie) ne comporte qu’un bâtiment en R+1. La deuxième parcelle n° 34 rue de Paris comprend les deux commerces précités (agences de voyage et immobilière) ainsi qu’un immeuble en R+3 + combles abritant une quinzaine de logements. Cette dernière construction est, côté rue, assez fruste, avec une façade Iisse sans intérêt architectural”, détaillait le commissaire enquêteur. Un PDF des conclusions du commissaire enquêteur est resté en ligne sur le blog de l’ancien conseiller municipal d’opposition, Benoit Willot. “À la place d’une expropriation classique du n° 36 rue de Paris, une dation pourrait être convenue, avec une implantation au RDC d’une des nouvelles constructions, permettant à cette officine de rester à proximité de sa localisation actuelle, et avoir une continuité d’activité”, suggérait-il.
“confusion et suspicion”
“Le propriétaire actuel de la parcelle du 36 rue de Paris (pharmacie) est par ailleurs Ie maire de la commune de Joinville-Ie-Pont, et les propriétaires du 34 rue de Paris font partie du Conseil Municipal. Cela peut amener une certaine confusion et suspicion”, avertissait par ailleurs le commissaire enquêteur.
“Monsieur Ie maire adjoint, chargé de conduire ce projet, a dénié toute volonté de la part de Monsieur Ie Maire de privilégier I’intérêt privé dans les choix faits sur ces deux parcelles. Dont acte”, enregistrait encore le signataire des conclusions, sans lâcher l’affaire. “La volonté des concepteurs du projet et des responsables municipaux est la ‘création d’un front urbain en ordre continu d’une grande qualité architecturale’, ‘la réalisation de l’opération aura pour effet principal la substitution d’un bâti neuf et de valeur architecturale à un bâti hétérogène et dégradé’, citait-il, prenant les maîtres d’ouvrage au mot avant de conclure : “Demander que cette volonté s’applique sur la parcelle du 36 rue de Paris parait donc fondé.” D’où la réitération de cette demande comme condition suspensive à son avis favorable.
En mai 2010, le conseil municipal a toutefois voté une modification du PLU sans tenir compte de ces conditions suspensives. De son côté, le préfet du Val-de-Marne, qui aurait pu, éventuellement, rappeler la ville à l’ordre pour qu’elle tienne compte de cet avis favorable sous conditions, a suivi, signant, en juillet 2010, l‘arrêté de déclaration d’utilité publique du projet.
Fin 2019, alors que les premiers réaménagements de la rue de Paris étaient aboutis, le maire a revendu le local de sa pharmacie pour la déménager, via sa SCI, à un promoteur intervenant dans la zac. Une “belle opération” à 1,2 million d’euros, détaille le journal Le Monde, alors que “l’immeuble du 36 rue de Paris avait été acquis par la même SCI en 2005 pour 350 000 euros.”
La pharmacie, elle, a déménagé au 30 rue de Paris, dans un local neuf construit en place d’une ancienne maison appartenant à un médecin, exproprié dans la cadre de la zac. Un local plus grand qui a contribué, indique le journal, à doper le chiffre d’affaires, “passant de 2,7 millions d’euros en 2018 à 7,3 millions en 2023”. Depuis mars 2024, le maire n’est plus aux commandes de la pharmacie, ayant cédé celle-ci.
De son côté, l’ex-copropriétaire du 30 rue de Paris, Jacques Desprairies, médecin retraité, a peu goûté à ce jeu de domino, et a décidé d’aller en justice. Après un recours perdu contre le projet, via la justice administrative, il a porté plainte contre le maire en 2020. C’est dans ce contexte que le Parquet de Créteil a ouvert une enquête pour des faits présumés de prise illégale d’intérêts.
Sollicité par 94 Citoyens, le maire, Olivier Dosne, a fait répondre par son avocat, Baptiste Daligaux. L’édile ne souhaite pas s’exprimer sur le fond de l’affaire, indiquant attendre que la justice le convoque. Son avocat s’étonne en revanche de la temporalité de sa publicité, à proximité des prochaines municipales, qui se tiendront dans un peu plus d’un an.
En attendant les prochaines élections, l’affaire ne manquera pas de pimenter les échanges avec l’opposition lors des prochains conseils municipaux.
Un sujet important, qui devrait appeler une réaction de la part du maire. Mais je retiens aussi l’absence de réaction du préfet en 2010, qui a refusé de facto les conclusions pourtant claires du commissaire enquêteur sur le risque du projet de ZAC. Il a donc permis cette prise illégale d’intérêt présumée.
Quel magouilleur ce maire de droite !!
Vivement que la gauche revienne dans notre département !
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