Derrière les murs blancs et froids du centre hospitalier Jean-Verdier à Bondy, l’Unité médico-judiciaire (UMJ) accueille les victimes de violences physiques, psychologiques ou sexuelles. Au-delà des soins, le service est un maillon de la procédure pénale.
Au standard, la sonnerie du téléphone retentit, et Delphine décroche. “Une AS arrive de Montreuil”, prévient-elle.
AS pour agression sexuelle. Au bout du fil, les policiers ont pris le temps de donner quelques détails: il s’agit d’une femme qui pense avoir été violée alors qu’elle était inconsciente.
L’Unité médico-judiciaire de Bondy est la plus importante de France après l’Hôtel-Dieu, à Paris. Elle accueille 24 000 personnes par an, toutes victimes de violences physiques, sexuelles ou psychologiques: femmes, enfants et parfois aussi des hommes. Une autre partie de l’unité reçoit également les auteurs de violences, afin de s’assurer que leur état de santé est compatible avec une garde à vue.
Dans le couloir, une jeune fille se dirige vers la sortie, tête baissée, les cheveux devant les yeux, entourée de deux policiers. Agée de 16 ans, elle est venue se faire examiner après avoir déposé plainte contre ses proxénètes.
“Elle a été conduite dans un appartement avec une copine. Des hommes faisaient venir des clients et récupéraient l’argent”, raconte Julie Gauthier, qui a ausculté l’adolescente. “La nuit dernière, elle a décidé d’arrêter. Elle a appelé la police, ils ont embarqué les gars et elle a porté plainte”, poursuit la médecin.
24h/24
Dans le service, la prise en charge de mineures victimes de proxénètes est une situation fréquente. Quelques heures plus tôt, c’était une enfant de 13 ans qui était escortée par la police.
L’UMJ est ouverte 24h/24, y compris pour les personnes qui arrivent en dehors de tout parcours judiciaire.
“Il y a 11 ans, on a été les premiers à faire des consultations sans réquisition dédiées aux victimes de violences conjugales et/ou sexuelles”, se félicite Laetitia Lasne, la cheffe de service.
Pour chaque patiente, l’équipe médicale recueille tous les éléments susceptibles d’être utiles à une procédure : ADN, sperme, analyses toxicologiques. Ces prélèvements sont conservés pendant trois ans à l’UMJ, afin de permettre aux victimes qui n’ont pas déposé plainte de le faire ultérieurement. En fonction des situations, les patientes reçoivent aussi une trithérapie préventive et une contraception d’urgence.
Catherine (prénom modifié), 69 ans, une élégante retraitée aux cheveux courts, a elle rendez-vous dans le cadre d’une procédure engagée contre son ex-compagnon.
Elle a été violée à plusieurs reprises, frappée, menacée, mais aussi photographiée et droguée à son insu.
“Je suis une rescapée”, déclare-t-elle après son examen gynécologique. “Il buvait, il se droguait, ça aurait pu être beaucoup plus grave”.
“Des guerrières”
Toutes les deux semaines, médecins, infirmières et psychologues se retrouvent pour discuter des cas qui les ont le plus marqués. “Le plus dur c’est quand certaines femmes sont dans le déni”, confie Amaury Poittevin. “Quand elles ne mesurent pas la gravité des faits ou quand elles se sentent coupables de ce qui leur est arrivé, il faut leur redire que non, elles n’y sont pour rien”, poursuit l’interne de 25 ans.
“C’est un service qui est en effet émotionnellement difficile, donc il faut avoir une bonne tolérance”, rappelle le Dr. Lasne. “Il faut avoir de l’empathie pour les victimes et de la rigueur avec les gardés à vue. On travaille pour la justice donc on est là pour établir des faits, faire des constats objectifs”, poursuit la cheffe de service.
Pour aider le personnel à décompresser, mais surtout pour apaiser les patients, l’UMJ s’est dotée d’un chien d’assistance judiciaire, le premier de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris). Util, un labrador de deux ans, est arrivé en mai dernier dans le service.
“Util apporte tout son bagage de gentillesse. Je le mets à côté de la victime pour l’examen gynécologique et donc elle est occupée avec lui, à le caresser, lui donner des croquettes et elle ne se rend pas compte qu’on travaille. Elle oublie le contexte”, explique fièrement Sonia Brochen, son infirmière référente.
Catherine, elle, n’a pas demandé l’assistance d’Util pendant son examen. Aidée par son entourage et par son thérapeute, la retraitée se voit comme une porte-parole des violences faites aux femmes. “Il faut que toutes les victimes portent plainte et viennent ici. Nous, on va être des guerrières avec un bouclier protecteur pour nous et pour les autres!”

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