En mai 2020, Jérémy Wasson, élève ingénieur de 21 ans à l’ESTP, faisait une chute mortelle sur un chantier du RER E à Pantin, où il effectuait un stage dans l’entreprise Urbaine de travaux (groupe Fayat). Ce jeudi 4 juin, le tribunal a rendu son verdict concernant l’évaluation des préjudices moraux. Sans la “faute inexcusable” du groupe de BTP, établie par le tribunal lors du procès pénal, Jérémy aurait fêté ses 25 ans ce printemps.
Étudiant de première année à l’ESTP, le jeune homme de 21 ans débutait tout juste son premier stage pratique sur le chantier de construction du centre de commandement du RER E (Éole). Au 3ème jour de son stage, le 28 mai 2020, il chute d’une trémie de désenfumage. Un trou carré de 60cm par 60 cm à plus de 5 mètres de hauteur, au-dessus duquel le jeune homme n’aurait jamais dû se trouver. 72 heures plus tard, il décédera à l’hôpital de la Salpêtrière.
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Condamnation de l’Urbaine des Travaux confirmée en appel
Après quatre ans de procédure, la cour d’appel de Paris avait confirmé en septembre 2024 la condamnation d’Urbaine de Travaux (filiale du groupe Fayat) et de l’ingénieur responsable du chantier, prononcée en première instance par le tribunal judiciaire de Bobigny. L’entreprise a a écopé d’une amende de 200 000 euros plus 20 000 euros par faute (à savoir l’absence de sécurisation de la trémie qui était simplement recouverte d’une planche en bois non fixée et l’absence de formation de Jérémy Wasson). L’ingénieure avait été condamnée à 12 mois de prison avec sursis ainsi qu’à une amende de 10 000 euros. Décidés à faire reconnaître la “faute inexcusable de l’entreprise” et les préjudices moraux du décès de leur fils, les parents ont poursuivi l’entreprise, devant le pôle social de Nanterre.
“Le tribunal s’est aligné sur la proposition de l’entreprise“
Celui-ci a bien reconnu “la faute inexcusable de l’entreprise”. Mais, regrette le père de Jérémy, “comme l’entreprise et la CPAM (Assurance maladie), le tribunal n’a pas pris en compte nos préjudices économiques ou psychologiques“. Concrètement, le tribunal a retenu principalement une indemnisation de 35 000 euros pour chacun des parents et de 15 000 euros pour sa grand-mère maternelle.
“C’est une énorme déception, la vie de notre fils ne vaut pas cher“, réagit au lendemain du verdict Frédéric Wasson, le père de Jérémy Wasson. “Le tribunal s’est aligné sur la proposition de l’entreprise pour les montants du préjudice moral, donc pas très au-dessus des propositions de la CPAM“, déplore-t-il.
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“Dans ce drame familial, les amendes de l’État ont été à la hauteur de notre malheur, mais l’impact de nos souffrances est très injustement minimisé“, résume Frédéric Wasson. “Pour nous, il faut bien se rendre compte des effets médicaux et psychologiques que cet évènement a eu pour notre famille. En définitive, les amendes de l’Etat sont bien supérieures à ce qui nous a été reconnu“, poursuit-il. Le juge a rejeté toute indemnisation pour le frère de Jérémy Wasson, ainsi que leur demande de publication des décisions dans la presse. “Il y a un deux poids deux mesures, d’autant que l’entreprise est couverte par son assureur. Nous, nous sommes des indépendants, aucune couverture sociale ne nous est reconnue”, développe Frédéric Wasson. “On peut regretter que la justice civile n’ait pas été aussi généreuse que la justice pénale, mais s’agissant des indemnisation, on reste toutefois dans une fourchette haute“, tempère Juliette Pappo, l’avocate qui défend la famille Wasson.
“Sur la question des accidents et des accidents mortels du travail, nous pouvons faire plus“
Hasard du calendrier, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a annoncé ce vendredi 6 juin à Bobigny la publication prochaine d’une “instruction justice et travail pour mieux coordonner la coopération entre l’Inspection du travail et les parquets“, afin notamment de rendre plus effectives les sanctions sur les entreprises défaillantes. “Sur la question des accidents et des accidents mortels du travail, nous pouvons faire plus“, a fait savoir la ministre qui est en lien avec le collectif famille Stop à la mort au travail. “Quand une entreprise est condamnée dans le cadre d’un accident grave et mortel d’un apprenti, nous devrons peut-être nous poser la question d’interdire temporairement l’accueil de nouveaux apprentis. Ce n’est pas une somme de faits divers, je pense que c’est un véritable problème de société“, défend la ministre. Une circulaire est également en préparation pour aider les acheteurs publics à intégrer dans leurs appels d’offres des clauses sociales avec des critères portant spécifiquement sur la prévention des accidents du travail, a-t-elle précisé.
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