Fatma a erré pendant près de 14 ans dans les rues de Noisy-le-Sec avant qu’une agression brutale ne pousse un collectif d’habitants à se former pour la sortir de la rue. Bientôt à court d’argent pour continuer à payer l’hôtel où elle vit depuis trois mois, ses soutiens lancent un appel pour lui trouver une solution d’hébergement pérenne. Au risque de voir tous les progrès, notamment psychiatriques, anéantis.
C’est avec le sourire que Fatma ouvre, ce lundi soir, la porte de son studio appart hôtel. Elle s’est même peinte les ongles en rose. “Tu t’es faite belle, c’est bien”, la félicite Nadia Kadi. “C’était inimaginable avant. Ça montre qu’elle se sent mieux. Alors, vous vous rendez compte le drame que ce serait si elle retourne à la rue ?“, explique la Noiséenne à l’initiative, avec d’autres habitants, du collectif Un grain d’espoir, créé en juillet pour aider Fatma à sortir de la rue.
“C’était très difficile. J’ai vécu 14 ans dans la rue“
De langue maternelle turque, Fatma ne parle pas beaucoup. “C’était très difficile. J’ai vécu 14 ans dans la rue“, confie-t-elle simplement. À Noisy-le-Sec, la femme d’une quarantaine d’années est connue à cause des crises parfois violentes qui la saisissent. “Elle criait et elle s’arrachait parfois même les cheveux. On lui proposait à manger. Il arrivait qu’elle dise non ou qu’elle jette la nourriture. Mais, c’est une bonne personne, il faut l’aider“, relate Ahmed, un commerçant de la place des Découvertes, dans le quartier de Béthisy. À quelques mètres de là, les quelques effets du campement de fortune de Fatma sont encore là, dont deux matelas et un canapé. Comme Ahmed, d’autres habitants avaient pour habitude de lui donner un coup de main. Mais, un jour d’avril dernier, un homme “qui en avait assez de l’entendre, l’a battue en pleine rue, juste devant le café [l’Ici et nulle bar ailleurs]. On s’est dit qu’on ne pouvait pas rester témoin sans rien faire“, relate Nadia Kadi, plus habituée à se battre pour défendre les droits des locataires, dont elle est une représentante, que contre l’exclusion sociale.

“En tout, on a collecté près de 4 800 euros, ce qui a permis de payer 90 nuitées“
Le collectif un Grain d’espoir, créé en juillet, lance une cagnotte en ligne. En quelques semaines, il agrège les dons de quelque 150 personnes, “sans compter le bouche-à-oreille“, précise Clément, un auto-entrepreneur de 43 ans, qui a été parmi les premiers à s’investir dans la mobilisation. Il y a même eu un donateur de la communauté turque de Lyon. “En tout, on a collecté près de 4 800 euros, ce qui a permis de payer 90 nuitées. Dans la répartition, on a privilégié l’hôtel, un peu l’administratif et un peu la nourriture parce que de nombreux commerçants nous aident aussi“, souligne-t-il. Comme pour le téléphone qui lui a été offert ou des chaussures. Comme le coiffeur aussi.

Fatma a aussi renoué avec sa fille de 22 ans qui vit avec grand-mère paternelle depuis le départ de son mari, événement qui a peut-être déclenché sa descente aux enfers selon Nadia Kadi. “Si Fatma va mieux, c’est aussi grâce au travail fait à Ville-Evrard, [établissement spécialisé en santé mentale situé à Neuilly-sur-Marne] où elle a été accueillie et soignée pendant un mois en mai“, remarque Clément.
“Il y a urgence maintenant“
Malgré cette mobilisation, l’afflux de dons s’est tari. L’hôtel est payé jusqu’au 30 septembre. “Si rien n’est fait d’ici là, j’ai peur que Fatma ne se retrouve de nouveau à la rue. On a interpellé le maire en conseil municipal et on compte bien le refaire à la prochaine séance. Mais, je ne comprends pas. À nos demandes d’hébergement social, la mairie nous répond qu’elle n’est pas autonome. Or, elle prend soin d’elle, elle se fait à manger, elle a retrouvé sa dignité“, estime Nadia Kadi qui a aussi fait le suivi de son dossier auprès de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) et de ses papiers d’identité au consulat turc. Le collectif attend du reste la délivrance d’un duplicata du livret de famille, demandée il y a un mois. “Sans ce document, on ne peut pas faire le dossier pour le renouvellement de sa carte de séjour. Toutes les démarches administratives sont bloquées. Je suis bien consciente que les services sont débordés, mais il y a urgence maintenant“, appuie Nadia Kadi . “Tous ces efforts et tous les progrès faits par Fatma ne peuvent pas être vains. Elle ne doit pas retourner à la rue.”
Sollicitée, la ville de Noisy-le-Sec n’a pas encore réagi.
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