Alors que la nouvelle station de métro de Villejuif a ouvert ce samedi 18 janvier, rendant d’un coup l’Institut Gustave Roussy hyper accessible, l’hôpital-centre de recherche contre le cancer démarre une année 2025 très structurante, avec le chantier de son nouveau bâtiment de recherche, en parallèle du lancement de programmes de recherche et de thérapie ciblée. Objectif : guérir 80% des cancers à l’horizon 2040. L’enjeu : comprendre et soigner ceux des jeunes adultes, en augmentation. Explications.
“Aujourd’hui, 450 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chaque année en France, et deux malades sur trois guérissent, contre un sur deux dans les années 1990”, résume Fabrice Barlesi, directeur général de Gustave Roussy, qui organisait une conférence de presse ce mercredi, en amont de la journée mondiale de lutte contre le cancer, le 4 février.
“Arriver dans 15 ans à 80% de patients guéris à cinq ans grâce à l’accélération des progrès technologiques, aux médicaments et traitements qui seront disponibles -anticorps conjugués, radiothérapie interne vectorisée…- nous paraît réaliste”, estime le patron de l’un des plus grands centres anti-cancer d’Europe.
Comprendre et prévenir des cancers précoces
Pour mieux prendre en charge les tumeurs et proposer des traitements personnalisés, l’institut mène plusieurs programmes, dont Interception (détection précoce et la prévention pour les personnes à risque accru de cancer), InstaDiag (diagnostic de cancer en 24 heures) ou Fresh (détection de biomarqueurs tumoraux avec une biopsie liquide). Le centre va aussi lancer une étude, Yoda (Young Onset Digestive Adenocarcinoma) pour évaluer les possibles effets de la pollution environnementale, de la nutrition et du mode de vie dans la survenue de cancers digestifs d’apparition précoce, et proposer des plans de prévention. L’hôpital ne lâche rien contre ces cancers digestifs, mais aussi de la thyroïde, du sein ou du rein, dont la hausse chez les moins de 40 ans se dessine dans plusieurs études épidémiologiques.
Entre 1990 et 2019, le taux de cancers a ainsi quasiment doublé (+80%) dans cette tranche d’âge dans le monde, selon une vaste étude publiée en 2023 par le BMJ Oncology, et ce phénomène affecte particulièrement les pays développés.
“Il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour mieux comprendre les causes” de cette hausse des cancers chez les jeunes adultes, estime Fabrice Barlesi, évoquant les pistes de recherches actuelles sur une exposition précoce à des facteurs de risque (inflammation chronique, carcinogènes…), le rôle d’une alimentation ultratransformée ou des microplastiques.
Certaines études “s’intéressent à ce qui s’est passé à l’âge très jeune, puisque c’est probablement là que se fait l’exposition”, d’autres cherchent à analyser “si ces cancers diffèrent de ceux de l’âge adulte”, précise Fabrice André, directeur de la recherche de Gustave Roussy.
Intelligence artificielle : une rupture technologique à ne pas manquer
Alors que l’intelligence artificielle (IA) bouleverse tous les secteurs, Gustave Roussy n’entend pas non plus passer à côté, notamment pour exploiter les immenses bases de données. Objectif : identifier des biomarqueurs et développer de nouvelles stratégies de traitement et d’aide à la décision thérapeutique. “En biopathologie, l’utilisation de l’intelligence artificielle pour analyser des lames histologiques tumorales ouvre la voie à un soutien précieux pour les pathologistes, leur permettant d’extraire des informations inaccessibles à l’œil nu”, explique le centre. Concrètement, deux projets sont déjà menés par Gustave Roussy pour exploiter le potentiel de l’IA. Le projet MosAIc, qui vise à créer une base mondiale de données sur le cancer, et le projet PortrAIt, qui se concentre sur la création de 15 outils d’intelligence artificielle pour la pathologie numérique, pour améliorer les diagnostics.
L’IA est aussi utilisée en radiothérapie, notamment avec l’équipe ImmunoRadIA, dirigée par Éric
Deutsch. Le but : améliorer l’efficacité de la radiothérapie via la modulation de la réponse immunitaire et l’utilisation de l’IA “pour personnaliser les traitements de chaque tumeur au sein d’un même patient en analysant les données cliniques et d’imagerie.”
Au-delà du traitement et de la prévention, l’un des axes de développement du centre concerne aussi l’après-cancer, à la fois pour prévenir les récidives, mais aussi les effets secondaires de traitements parfois particulièrement lourds.
Le centre névralgique du Paris Saclay Cancer Cluster
Le centre est aussi situé dans un quartier en pleine mutation pour devenir un pôle stratégique scientifique, autour du cancer. La zac campus Grand Parc prévoit ainsi des logements et bureaux autour de cette thématique. C’est dans ce contexte que plusieurs acteurs, dont Gustave Roussy ont développé le Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC), lauréat du premier appel à manifestation d’intérêt pour créer des bioclusters associant recherche, soins et entreprises, dans l’esprit de ce qui se fait à Boston.
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“Trois premiers projets ont débuté au sein du PSCC. Ils concernent les cellules immunitaires myéloïdes, les lymphocytes T mémoires résidents dans la tumeur et les mécanismes de résistance aux thérapies innovantes”, détaille l’institut. Le Paris-Saclay Cancer Cluster permet également d’attirer des start-ups. Parmi celles-ci, Cure51, co-fondée par Gustave Roussy, vise par exemple à créer une base de données mondiale de survivants de cancers de mauvais pronostic, pour comprendre les causes de ces rémissions exceptionnelles.
Top départ pour la construction du nouveau bâtiment
Dans ce contexte de développement du pôle scientifique de Villejuif, conforté par l’arrivée du métro 14, lequel sera aussi connecté au métro périphérique 15 Sud mi 2026, Gustave Roussy va aussi démarrer la construction d’un nouveau campus de pas moins de 32 000 m2 cette année., dont la livraison
est prévue pour fin 2027. Déployé sur huit étages, un bâtiment, dessiné par l’AUC et NP2F, accueillera 60 équipes de recherche et 12 plateformes technologiques, incluant des installations dédiées à la data-analyse, aux organoïdes et aux cellules circulantes rares.
Le plan directeur immobilier de l’Institut prévoit la construction d’un bâtiment dédié au programme de prévention Interception, aux parcours de diagnostic rapide Instadiag, aux patients ambulatoires, ainsi qu’à l’accueil des patients internationaux de 13 600 m2, ainsi que la construction d’un nouveau bâtiment destiné aux fonctions de support et à l’enseignement. Il comprendra également un parking silo et un grand amphithéâtre.
Pour accroître ses moyens, l’institut investit 500 millions d’euros, dont 150 millions dans un nouveau bâtiment de recherche notamment dédié aux progrès en oncologie, qui ouvrira fin 2027.
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