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“On s’accroche !” Comment les entrepreneurs de Seine-Saint-Denis résistent à la crise

“On s’accroche !” Comment les entrepreneurs de Seine-Saint-Denis résistent à la crise © CH

Entreprendre, c’est d’abord “prendre des risques”. Ce jeudi 9 octobre à l’espace Michel Simon de Noisy-le-Grand, où se tenait la troisième édition d’Effervescence, le salon des entreprises de Seine-Saint-Denis, l’expression est revenue souvent, car la période n’est pas simple. Ambiance.

À côté de grands groupes comme Bouygues ou Orange, les PME et TPE de Seine-Saint-Denis étaient aussi nombreuses à tenir un stand parmi les 200 exposants du salon Effervescence 93, organisé par la CCI départementale.

C’est un événement important pour la visibilité et pour mieux faire connaître notre offre. Tout le monde imagine que Climb up ne s’adresse qu’aux particuliers, mais on ne sait pas forcément qu’on fait de la vente de billetterie pour les comités d’entreprise et que l’on peut organiser des événements comme de la privatisation d’espace, des cours d’initiation ou des sessions de cohésion de groupe“, explique Salomé Thiry, responsable commerciale BtoB de Climb Up en Ile-de-France où la société a créé la plus grande salle d’escalade d’Europe à Aubervilliers.

Effervescence en Val-de-Marne, c’est le mardi 14 octobre

Le salon Effervescence Val-de-Marne, qui réunira des centaines d’entreprises et institutions du Val-de-Marne pour faire du business, se tient pour sa part ce mardi 14 octobre, au Palais des Sports Robert Oubron (5 Rue Pasteur Vallery Radot) à Créteil. Ouvert à tous l’après-midi, réservé aux exposants le matin.
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Mon but n’est pas de vendre des quantités, je veux que ça reste un métier passion

Pour sa première participation au salon Effervescence 93, Alix Michot, chocolatière, a choisi de mettre en valeur du chocolat d’Haïti et Cameroun qu’elle a travaillé aux couleurs de l’événement. “C’est un chocolat en circuit court qui vient de l’association Chocolatier engagé. Nous sommes 85 membres en France. Le principe c’est de réduire les intermédiaires et en payant directement les coopératives qui les produisent“, décrit-elle. Depuis trois ans, Alix Michot est installée dans un atelier de 15 m2 chez Restotraiteur, fondée par Idir Hamizi, président du Réseau Entreprendre Île-de-France, association qui l’avait accompagnée pour créer son entreprise. “Je fais du chocolat par passion depuis des années. J’ai commencé en regardant des tutos sur internet“, relate-t-elle. Cette ancienne cadre du Crédit foncier a franchi le cap lorsqu’elle a appris que sa succursale allait fermer en 2018. Tout en étant enceinte, elle passe un CAP confiseur qu’elle obtient en 2020. “C’était une évidence, parce que je voulais faire quelque chose qui ait plus de sens. Je ne me voyais plus être salariée”, explique-t-elle.

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Alix Michot, chocolatière installée à Noisy-le-Grand

La chocolatière autodidacte a désormais deux points de distribution à Torcy et à Champs-sur-Marne, en plus de la vente en ligne. “Mais mon but n’est pas de vendre des quantités, je veux que ça reste un métier passion“, précise-t-elle. Comme pour l’escalade, la cheffe d’entreprise ne néglige pas le BtoB, et en a même fait son cœur de cible, en proposant des compositions pour des cadeaux d’entreprise. Pour elle, la période stratégique de l’année approche avec Noël. “C’est 60 000 euros à produire en deux mois.” Avec un carnet de commande qui s’allonge, elle réfléchit à s’installer dans un laboratoire plus grand. “Entreprendre, c’est toujours prendre un risque. Grossir, c’est payer plus de charges. Mais aussi avoir une plus grosse capacité de production. Mais, j’ai plus un état d’esprit d’artisan que d’entrepreneure. Je ne vais pas chercher les contrats. Je me verse 1 000 euros par mois. Est-ce qu’on vit avec ça ? En tout cas, ça me suffit“, confie-t-elle.

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Plus de 200 exposants ont participé à l’édition 2025 du salon Effervescence 93

Dans le contexte actuel, les entreprises donnent la priorité aux créances et aux salaires

Si l’incertitude politique ambiante n’a aucun impact sur le carnet de commandes de la chocolatière, ce n’est pas le cas de toutes les entreprises. “C’est vrai que l’on ressent l’instabilité politique. Beaucoup de projets sont en attente. On a des clients qui hésitent à investir“, glisse Abdelatif Chaoui, responsable d’exploitation de Greenmood, une société belge spécialisée dans la création d’installations acoustiques naturelles et de murs en végétation stabilisée (qui ne nécessite pas d’arrosage), destinés à l’aménagement de bureaux et d’open spaces. Créée en septembre 2018, la filiale française a installé ses ateliers dans le tiers-lieu Mosaïc à Saint-Ouen, et compte une dizaine de salariés. “Ce climat, ça nous bloque, parce qu’on aimerait bien embaucher. À défaut de pouvoir créer des postes, on essaye de recruter des alternants dans le design par exemple“, ajoute-t-il.

Installé à La Courneuve, Léonnel Saffou, qui a créé un bureau d’études de prévention des risques, Adsunga, en 2022, a quant à lui, dû réduire la voilure. “Je ne sais pas si beaucoup de gens sont optimistes en ce moment. Ce que je peux dire, c’est qu’on s’accroche! Dans le contexte actuel, les entreprises donnent la priorité aux créances et aux salaires, avant de s’inquiéter de sécurité. On est dans un creux de la vague. Certains prospects ont fermé“, regrette-t-il.

Ce n’est pas la pire année. Pour nous c’était plus 2024

Dans ce contexte, les entreprises doivent s’adapter. C’est le cas de Picnic Kiosque, une start up qui fabrique à Aubervilliers, depuis bientôt huit ans, des kiosques et des pop-up stores innovants modulaires, mobiles, en matériaux recyclés et en bois certifié, connectés et autonomes en énergies propres (solaire et éolien). “Comme pour beaucoup de boites, de l’après JO à début 2025, ça a été extrêmement dur. On a cru qu’on allait presque y passer. Côté collectivités, les budgets sont aujourd’hui un peu bloqués avec les élections municipales qui auront lieu dans six mois. Donc, on chasse là où on sent qu’il y a plus de dynamisme : le retail et la vente à emporter de nourriture. On s’adapte pour répondre au besoin de certaines marques, notamment de haut de gamme“, témoigne Nicolas Renou un des co-fondateurs de Picnic Kiosque.

Ce n’est pas la pire année. Pour nous c’était plus 2024. C’est la première fois que je faisais moins de bénéfices que l’année d’avant“, relativise pour sa part Thierry Domenech, qui a fondé en 2007 AcolIT, une société qui s’occupe de la gestion au quotidien de l’informatique d’entreprises de 15 à 100 salariés. Installée depuis un an à Neuilly-Plaisance, elle a déménagé plusieurs fois à mesure de son agrandissement, passant par Fontenay-sous-Bois et Joinville-le-Pont. “C’est difficile de trouver de nouveaux clients. Un informaticien, c’est comme un comptable, ça ne se change pas comme ça“, commente-t-il.

Il y a toujours cette envie de créer, mais les projets mettent plus de temps à sortir

Pour Omar Benali, directeur du Réseau entreprendre 93, “c’est une année peut-être plus compliquée. Il y a toujours cette envie de créer, mais les projets mettent plus de temps à sortir. Les banques sont aussi plus frileuses“. Une conjoncture qui impacte l’association qui accompagne et finance les entrepreneurs. “En moyenne, j’ai 700 demandes par an pour 30 financées. Cette année, j’en ai un peu moins. Mais je pense que les dossiers sont plus qualitatifs. Il y a plus de reprises d’entreprises“, détaille-t-il, estimant leur proportion à 30-35% contre 10% par an en moyenne. “On parle de dossiers plus solides et qui permettent de créer plus d’emplois“, ajoute-t-il, saluant aussi la progression de l’entreprenariat féminin.

Entreprendre dans le social, c’est possible

Côté création d’entreprise, le secteur de l’aide à la personne a le vent en poupe. Kaoutar Ramou fait partie des porteuses de projet récompensés lors du salon. Cette ancienne travailleuse sociale de 28 ans, a fondé Hyensas avec Ibrahima Gary, qui était ingénieur d’études sanitaires à l’Agence régionale de Santé. “Nous sommes la première entreprise de France a proposer un accompagnement des personnes atteintes du syndrome de Diogène, associant l’assainissement de l’habitat et un suivi psychologique“. Leur société est incubée à la région Ile-de-France, mais elle compte déjà 11 salariés et a plusieurs contrats pour des prises en charge en Ile-de-France.

© Kaoutar Ramou
De gauche à droite : Bénédicte Gaël, fondatrice de Victoire Solidaire, Kaoutar Ramou et Ibrahima Gary, fondateurs de Hyensas.

Bénédicte Gaël est aussi incubée à la région pour son entreprise, Victoire solidaire, qui accompagne des personnes souffrant de maladie grave ou chronique et sont confrontées à de graves problèmes financiers. “Leurs problèmes ne sont pas pris en charge par les assistantes sociales, faute de moyens. Elles sont donc livrées à elles-mêmes”, explique-t-elle. La jeune femme a mûri son projet après avoir elle-même perdu son poste d’ancienne mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Une insuffisance rénale lui avait alors été diagnostiquée. “J’avais décidé de me reconvertir. J’ai fait une formation de conseillère en gestion de patrimoine. Mais on me demandait trois ans d’expérience, alors j’ai créé mon entreprise“, relate-t-elle. Sa société a déjà comme partenaires la Banque de France et l’association La finance pour tous. Prochainement, elle va entamer une collaboration avec la Ligue contre le cancer du 93 pour accompagner cinq personnes.

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