Face à un 115 débordé par les demandes d’hébergement d’urgence, la ville de Pantin a décidé de créer sa propre solution d’accueil. Son centre municipal d’hébergement social met à disposition douze studettes aux femmes victimes de violences, ainsi qu’aux familles en situation d’errance dont les enfants sont scolarisés à Pantin.
“Avant, on était à la rue, alors forcément ça nous a changé la vie. On a les clés, on est chez nous“, témoignent Nadège, 41 ans, et son mari Thomas, qui ont participé ce mercredi soir, avec leurs deux enfants, à l’inauguration du centre municipal d’hébergement solidaire (CMHS). Depuis décembre, la famille s’est installée dans l’une des douze studettes de l’immeuble de la rue Denis Papin. “Il y a de l’eau chaude, un micro-onde pour cuisiner. Surtout, c’est plus simple pour l’école parce qu’on a eu des hébergements aux Pavillons-sous-Bois puis à Drancy qui étaient loin“, relate une autre locataire, Nora. “C’est bien, mais maintenant, on voudrait que la préfecture donne un permis de séjour à mon mari, pour qu’on puisse faire une demande de logement. J’ai une fille de 18 ans. Mes enfants me réclament leur chambre. J’aimerais que l’on puisse construire une vraie vie“, espère-t-elle.
Deux à trois élèves par école en situation d’errance à Pantin
Ce CMHS, affirme le maire (PS) Bertrand Kern, est unique en France. “Il y a 350 000 personnes sans domicile en France et, chaque soir, le 115 ne répond pas parce qu’il n’a pas de places d’hébergement. On a décidé de transformer cet ancien lieu d’accueil pour jeunes travailleurs en lieu d’accueil pour femmes victimes de violence et pour les familles dont les enfants sont scolarisés à Pantin et qui dorment dans la rue“, explique l’édile. Deux profils bien précis : le premier en lien avec la Maison des Femmes située à quelques mètres, de manière à trouver une solution rapide à des femmes victimes de violences qui ont besoin de quitter en urgence leur domicile. Le second s’inscrit dans le prolongement du dispositif “Pas d’enfant scolarisé à Pantin en situation d’errance”, c’est-à-dire sans domicile, lancé par la ville en 2023 et qui a permis en deux ans de loger 25 familles dans des hôtels. Ces “situations d’errance”, identifiées notamment via les signalements d’enseignants, concernerait deux à trois élèves par école à Pantin, sachant que la ville en compte 27.
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“L’hébergement d’urgence est une compétence de l’État et une fois de plus, la municipalité doit se substituer“
Concrètement, le Centre communal d’action social a signé un bail avec Vilogia, le propriétaire du lieu. Pour son fonctionnement, la municipalité annonce un budget de 150 000 euros par an. “On a demandé à la Drihl [direction régionale et interdépartementale de l’Hébergement et du Logement] de nous financer, mais elle a refusé parce qu’elle a considéré que ce type de dispositif ne pouvait pas être restreint aux Pantinois et devait s’adresser à tous les habitants de la Seine-Saint-Denis. On met le doigt dans un engrenage. L’hébergement d’urgence est une compétence de l’État et une fois de plus, la municipalité doit se substituer“, pointe Bertrand Kern.
“Toutes les familles qui sont au CMHS ont composé le 115 sans avoir de solution. Ou parfois, les solutions sont cruelles : j’ai en tête une famille qui a été logée à Fontenay-Trésigny [ndlr, en Seine-et-Marne]. Ça créé des difficultés : tous les matins, vous devez faire le trajet pour accompagner vos enfants à l’école à Pantin, vous êtes coupé de votre réseau social de proximité, y compris de votre réseau d’accompagnement social parce que l’assistante sociale est à Pantin. C’est là que réside notre incompréhension totale de l’attitude de l’État qui n’a pas mis un euro, alors qu’on propose une solution de proximité“, observe Bruno Carrère. “C’est d’autant plus incroyable que chaque année, la Drihl rend des fonds au budget à l’État parce que les budgets affectés à l’hébergement d’urgence ne sont pas intégralement consommés“, fustige-t-il.
Convention d’occupation sans limite de durée
Au quotidien, le CMHS est géré par l’association Le refuge, installé depuis plus de vingt ans à Pantin, où il pilote un centre d’hébergement, un accueil de jour et une pension de famille dans la ville. Les “studettes” font entre 12 et 18 mètres carrés de surface et peuvent accueillir entre 2 et 5 personnes. Chaque famille signe une convention d’occupation sans limite de durée. “Nous n’avons pas mentionné le mot “urgence“ dans la dénomination du centre parce que l’objectif est d’apporter une réponse durable à l’urgence d’hébergement, et donc un accompagnement en matière d’accès aux droits et d’accès au logement“, explique Bruno Carrère, adjoint aux actions sociales et solidaires. Pour assurer ce suivi, la CCAS a mis en place une équipe de travailleurs sociaux.
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