Depuis fin 2022, Choisy-le-Roi multiplie les initiatives pour prévenir les rixes entre jeunes de quartiers rivaux, variant les accroches pour mieux faire passer le message. Cette année, par exemple, c’est sur la réalité virtuelle que le Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) de la ville s’est appuyé pour mettre chacun en situation, et faire travailler sur son comportement. Reportage.
Les rixes entre bandes rivales de Thiais, Orly et Choisy-le-Roi ont malheureusement fait plusieurs morts es dernières années, de Tidiane, mortellement agressé devant son lycée de Thiais à 16 ans, à Sabri, 19 ans, poignardé à Orly. Comment prévenir cette violence ? C’est ce à quoi s’attelle le Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) qui réunit des représentants de la justice, la police, la ville et encore d’associations locales. Fin 2022, c’est d’abord Adama Camara, qui a perdu un frère en 2011 avant de passer quatre ans en prison après avoir tenté de se faire justice lui-même, qui est venu parler avec les habitants, en s’appuyant sur la série documentaire Rixes, réalisée par les médias Streetpress et France TV, dont il est le narrateur. L’année d’après, des jeunes du quartier des Gondoles ont réalisé leur propre spot de prévention, pour travailler sur la thématique.
“C’est parfois difficile de capter l’attention de 15 jeunes garçons assis sur une chaise pendant deux heures”
Ce jeudi 17 avril, durant la première semaine des vacances de printemps, c’est avec des casques de réalité virtuelle que le CLSPD a sensibilisé les jeunes, en les mettant en situation grâce à un film de Nadir Ioulain, “Le vide”, qui plonge le spectateur au milieu de la scène de violence, puis de ses conséquences.
“On a voulu redynamiser cet aspect de l’accompagnement des jeunes, faire quelque chose d’innovant. C’est bien de projeter un film et de parler, mais on sait que c’est parfois difficile de capter l’attention de 15 jeunes garçons assis sur une chaise pendant deux heures“, explique Ferial Latreche, l’une des principales organisatrices de cette journée, adjointe au responsable du CLSPD. D’où l’idée de la réalité virtuelle, qui permet d’être actif durant la projection, pour observer tous les angles.
Puissance de l’expérience immersive
Tourné en 2024 au coeur du quartier de La Verrière, dans les Yvelines, dont est originaire son réalisateur, Nadir Ioulain, “Le Vide” mêle fiction et documentaire. Produit par l’Association pour la Création et l’Innovation Artistique et Culturelle (ACIAC), le court-métrage plonge les spectateurs dans une reconstitution de rixe, entre vengeance, tensions de quartier et conséquences souvent irréversibles. Les scènes jouées par de jeunes acteurs, pour certains non-professionnels, alternent avec des témoignages réels de familles endeuillées, mais aussi des paroles d’anciens “repentis” des bandes.
Quand s’achève la projection, chacun enlève son casque, un temps secoué par la puissance immersive de ce qu’il vient de voir. Mais, rapidement, les réactions fusent. A la question “Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?“, les mains se lèvent, nombreuses. “Moi, c’est le lavage mortuaire du corps de celui qui est tué dans la bagarre. Je connais cette tradition, mais le voir en vrai, comme si on était dans la pièce, ça fait bizarre“, témoigne l’un des adolescents.
Choisir son camp et débattre
Suit le débat, avec des questions auxquels les garçons répondent en choisissant leur “camp” sur le sol, une ligne de scotch séparant les “d’accord” des “pas d’accord”. Les questions s’enchaînent ; “Le personnage principal aurait pu agir autrement (que d’utiliser la violence pour laver un affront qui lui avait été fait)”, “Est-ce qu’être présent sur le lieu d’une bagarre et ne rien faire, c’est être complice ?“, “Est-ce qu’une insulte mérite une bagarre ?“, etc. A chaque fois, les jeunes se positionnent, puis débattent.
Les modérateurs interviennent pour aider à structurer les arguments, parfois baisser d’un ton, mais les échanges sont constructifs, spontané. “L’idée, c’est de ne pas juger les jeunes. Je leur dit “Si c’est pour me donner ce que j’ai envie d’entendre, ne venez pas”. Aujourd’hui, on veut vraiment les faire réfléchir entre eux sur ce sujet qui les concerne, eux“, développe la modératrice de la journée.

Au final, une soixantaine d’adolescents, âgés de 13 à 19 ans, ont participé à la journée, par groupe d’une quinzaine. “Vous êtes précieux pour vos familles, pour vos villes, vous êtes le futur. Vous avez tous un potentiel, ne le gâchez pas pour des bêtises ; vous avez vu, ça commence toujours pour rien, et quand ça finit dans un drame, ça touche beaucoup plus que deux personnes“, conclut Momar, membre de l’ACIAC et représentant du réalisateur.
Quel est l’impact de ces actions de prévention ? “Le nombre de rixes a sensiblement baissé depuis deux ans”, indique Julien Carayon, responsable du service CLSPD, sans donner de chiffres, “confidentiels”.
Lire aussi :
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.