Justice | | 05/03
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Procès du meurtre de Kevin à Saint-Ouen, l’accusé “choqué” par sa propre violence

Procès du meurtre de Kevin à Saint-Ouen, l’accusé “choqué” par sa propre violence

“Je ne savais pas que j’avais autant de violence en moi”; Chakibe A. a prononcé ces mots d’une voix éteinte, mardi soir à Bobigny, au procès du meurtre en bande organisée de Kevin G. en janvier 2021 à Saint-Ouen, confronté aux vidéos des faits où on le voit porter quatorze coups de batte de baseball hérissée de fil barbelé à la victime.

Selon une expertise, ce ne sont pas ses coups de batte qui ont tué Kevin G., 26 ans, qui a agonisé sur un trottoir de la cité Cordon à Saint-Ouen. L’autopsie avait révélé que son corps comportait 35 plaies “causées par armes blanches”, l’une ayant sectionné une artère fémorale.

Mais le premier coup que Chakibe A. lui avait porté avec sa batte avait précipité le déchaînement de violences, ce soir du 3 janvier 2021.

Et derrière la vitre du box des accusés de la cour d’assises de Seine-Saint-Denis, il baisse souvent la tête, les yeux, la voix, reconnaissant qu’ils se sont “lâchement” acharnés à plusieurs sur un homme seul et non armé.

“Je sais que je n’avais pas l’intention de tuer, que ce ne sont pas mes coups de batte qui ont donné la mort, mais je me sens tout autant responsable”, dit Chakibe A., 30 ans, alors que la cour doit soupeser “la sincérité de son repentir”, comme le dit son président, Marc Sommerer.

Si son interrogatoire importe particulièrement, c’est parce qu’il est le seul des sept accusés à avoir reconnu sa participation à l’homicide.

Devant la cour, il se dit “surpris”, “choqué” quand il doit regarder la vidéo de ses agissements. Comme si c’était le fait de se voir à l’image qui lui révélait l’atrocité des faits.

Depuis son interpellation avec trois autres accusés qui fuyaient les lieux comme lui, le sang de Kevin G. l’accuse: on l’a retrouvé sur ses vêtements et sur la batte qu’il portait alors. Mais ce qui l’accuse plus que tout, ce sont donc les images de vidéosurveillance de la ville, le meurtre ayant été filmé, à la lumière des lampadaires.

Maintes fois, les vidéos sont projetées à l’audience, sur trois écrans. Et l’on suit son pantalon blanc et la batte, énorme et claire, qu’il manie parfois à deux mains.

“Je n’avais pas besoin de mettre ce dernier coup de pied” à la victime en partant, lâche-t-il: “c’était une façon pour moi d’humilier”.

“Est-ce que vous n’avez pas pris le risque de tuer?”, insiste le président, alors que l’accusé répète qu’il avait seulement “l’objectif de blesser” et se trouvait alors comme “déconnecté de la réalité”.

“Suiveur très actif”

Le meurtre a été analysé par les enquêteurs comme “un narchomicide”, un règlement de comptes sur fond de trafic de drogues dans une ville où s’affrontaient deux clans rivaux, les fratries Zouhairi et Gacem: Kevin G., considéré comme un “second couteau” du narcotrafic, aurait été tué pour avoir voulu récupérer un point de deal.

“Oui, c’est vrai j’ai trafiqué, mais j’ai jamais eu de point de deal” et “ce n’était pas le mobile, d’en récupérer un”, proteste Chakibe A.

Quand le président lui demande si les faits s’inscrivent “dans un contexte de vengeance” de l’assassinat en 2019 de Mohamed Gacem (gérant d’un gros point de deal surnommé Cyborg), qu’aurait commandité El Mehdi Zouhairi, dit Malsain, il réplique: “Les tensions entre les deux clans, elles sont bien réelles, mais ce n’est pas rattaché à ça”.

S’il admet qu’un autre accusé, Karim L., a porté des coups de couteau, Chakibe A. réaffirme, formel, que son grand frère, Hichem A., également accusé, “n’était pas là”.

Pour expliquer sa participation à ce qu’il s’obstine à appeler seulement “une rixe”, il soutient qu’un ami s’était fait tabasser un peu avant par “des mecs de Cordon”, parmi lesquels Kevin G. Et assure avoir lui-même subi “un tabassage à plusieurs, dans un local poubelles”, longtemps avant, en accusant le défunt d’y avoir été mêlé.

Enfin, il raconte avoir mangé, le jour même, avec un homme dit “XH” qui lui avait “monté le cerveau” pour participer à l’expédition punitive.

– Vous êtes un suiveur très actif, lui lance le président.

– Oui, on l’a vu, j’ai été très actif, répond-il tristement.

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