Un shot de vodka caramel, les jambes qui ne répondent plus, un traumatisme “à vie”. Des 17 femmes qui se sont constituées parties civiles dans le procès en appel du “violeur de Tinder”, Camille (prénom modifié) est la première à avoir témoigné devant les assises, vendredi à Créteil.
En 2015, elle a 23 ans quand Salim Berrada, photographe, la contacte sur Facebook. A l’époque, elle a déjà fait une vingtaine de tournages de cheveux – “une passion qui m’a aidée à avoir confiance en moi”, explique-t-elle à la barre, en costume gris et les cheveux relevés en chignon.
La jeune femme regarde ses photos, aime son travail et accepte ce rendez-vous. Elle raconte à la cour se sentir à ce moment “honorée” de l’invitation, car “impressionnée par la qualité de son travail”.
Le shooting a lieu au studio du photographe à Paris. Sur place, Salim Berrada lui sert un shot de vodka caramel. Ils discutent un peu, la séance photos commence.
Mais “les prises de vue sont assez courtes”. Elles durent “quinze, vingt minutes”. Entre deux tenues, il lui sert de nouveau de l’alcool, “un ou deux” verres de vin. Puis tout à coup, “ça devient saccadé et très flou”.
“J’ai des images de moi en train d’avoir un rapport avec lui, mais je ne comprends pas ce qu’il se passe. C’est comme dans un cauchemar où il n’y a pas de connexions logiques”, poursuit-elle, avant de fondre en larmes.
Elle le laisse finir, se lève pour récupérer ses affaires et quitter son studio mais les jambes “ne répondent plus”. Il avait “ri”, se souvient-elle à la barre. Et avait commenté : “Dis donc, tu ne tiens vraiment pas l’alcool”.
Le photographe lui propose de rester dormir. Sans force dans les jambes, elle accepte. Vient alors le second viol. Elle est réveillée par sa main qui passe dans son jean. “Je garde les yeux fermés, en me disant -il ne va pas faire ça. Mais si, il l’a fait”.
Longtemps, Camille hésite à porter plainte. “Je pensais que de ne plus en parler serait plus facile. Le problème, c’est que le cerveau n’oublie pas. Les jambes qui s’écroulent, c’est un traumatisme à vie”.
“faites ce que vous voulez, de toute façon il y a deux heures d’attente”
Elle finit par franchir la porte d’un commissariat. Le policier qui la reçoit lui demande s’il ya eu violence physique. Elle ne répond pas. Il dit que “ce n’est pas un viol”, “faites ce que vous voulez, de toute façon il y a deux heures d’attente”. Elle part sans déposer plainte.
S’ensuit “une descente aux enfers”. Elle sort beaucoup, boit beaucoup, fume beaucoup, s’accroche aux “paradis artificiels”.
Quand le président de la cour d’assises d’appel, Bertrand Grain, a demandé à Salim Berrada s’il avait servi un shot de vodka caramel – une boisson très sucrée – dans le but de camoufler une autre substance, l’accusé, aujourd’hui 40 ans, ni en bloc.
“Je n’ai jamais eu (cette) idée”, déclare celui que les médias ont surnommé “le violeur de Tinder”.
Lorsque l’avocat général lui demande si les quantités d’alcool servies – “et je ne parle pas de soumission chimique” – avaient pu porter atteinte au libre arbitre de la victime présumée, l’accusé répond : “Je n’ai rien constaté qui ait pu altérer le fait qu’elle puisse consentir à une relation sexuelle”.
Lui n’admet que des relations consenties avec les 17 plaignantes, qui l’accusent de viols et agressions sexuelles entre 2014 et 2016.
Au terme de son premier procès en 2024, où le consentement avait déjà été au cœur des débats, la cour criminelle de Paris l’avait reconnue coupable de 12 viols et trois agressions sexuelles.
Pour deux autres plaignantes, elle l’avait acquitté.
Cet ex-photographe marocain s’était vu infliger une peine de 18 ans de réclusion criminelle, assortie d’une obligation de quitter le territoire.
Le verdict de son procès en appel est attendu le 2 ou 3 octobre. Il encourt 20 ans de réclusion.
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