En pleine réorganisation depuis 2023, le service francilien de transport dédié aux personnes avec un lourd handicap moteur accumulent les ratés, pénalisant la vie sociale des personnes handicapées. Le conseil régional a mis en demeure le nouveau prestataire, une filiale de Keolis.
Liliane Morellec, 68 ans, usagère de ce service de transport à la demande, – le PAM -, en fait l’expérience plusieurs fois par mois, témoigne-t-elle. Engagée dans l’association APF France Handicap, elle devait justement se rendre en octobre à une réunion au siège de la Région à Saint-Ouen au nord de Paris, pour discuter des nombreux problèmes rencontrés par les usagers du PAM. Mais le jour J, alors qu’elle attend le chauffeur à son domicile dans l’Ouest parisien, il la prévient qu’il est “bien arrivé à Saint-Ouen”, narre-t-elle, à une trentaine de kilomètres de chez elle. L’opérateur avait inversé la ville de départ et de destination de sa course.
“Le PAM est devenu une catastrophe”
Ce couac n’est pas un cas isolé : plusieurs de ses courses ont été annulées, parfois au dernier moment, ou refusées. “Je n’ai même pas pu aller à l’enterrement d’une amie proche en décembre”, déplore Liliane Morellec. Référente dans son association, elle reçoit de nombreux appels d’usagers “parfois en pleurs”, de plus en plus isolés. “Le PAM est devenu une catastrophe”, s’émeut-elle, alors que c’est une filiale de Keolis, acteur important des transports en région parisienne et détenu à 70% par la SNCF, qui s’occupe dorénavant des réservations.
“Ce ne sont pas des paquets qu’on transporte !”
Destiné aux personnes avec un taux d’invalidité d’au moins 80%, ce service est censé permettre de réserver une course au moins 24 heures à l’avance dans un véhicule collectif adapté. Près de 10 000 personnes l’ont utilisé en décembre. Mais, outre les annulations, l’horaire des courses est parfois décalé inopinément. “Des personnes avec un handicap cognitif ont été laissées sur le trottoir devant leur centre d’accueil une demi-heure avant l’ouverture. Mais ce ne sont pas des paquets qu’on transporte !” s’indigne Liliane Morellec.
Encore plus récurrent : le placement répété sur liste d’attente, qui oblige à multiplier les appels pour confirmer sa course. “J’y passe parfois la journée”, regrette Mme Morellec. “Les Jeux paralympiques ont rappelé l’importance pour les personnes handicapées de faire du sport, d’avoir des loisirs; mais certains ne peuvent plus se rendre à leurs activités, parfois même à leur travail. C’est un retour en arrière catastrophique.”
Une mutualisation régionale chaotique
Ces problèmes sont apparus avec le changement d’organisation initié par la région. Jusqu’au printemps 2023, en effet, chaque département ou presque avait son propre service, numéro de téléphone, grille tarifaire, avec des opérateurs différents derrière. La région a alors souhaité les unifier afin de mettre en place une tarification unique, à bas coût : 2 euros pour une course de moins de 15 kilomètres, contre plus de 8 euros dans certains départements auparavant.
Cette régionalisation a obligé à ne garder qu’un seul opérateur pour la gestion des réservations et de la facturation. L’intégration des différents services départementaux “a pris du temps et a créé quelques grains de sable”, concède Kisio, la filiale de Kéolis, admettant des problèmes de gestion des réservations et de relation clients.
Les collectivités ont pourtant tiré le signal d’alarme dès novembre 2023. Fin octobre 2024, Ile-de-France Mobilités, qui réunit la région et les départements franciliens, a mis en demeure Kisio “d’atteindre ses objectifs contractuels”, se réservant le droit de résilier le contrat pour faute.
“C’est un dossier qu’on suit avec la plus grande attention”, assure Pierre Deniziot, conseiller régional, délégué spécial au handicap. “40 millions d’euros ont été investis lors de la régionalisation, le PAM doit s’améliorer.”
Un plan d’action
Kisio a depuis présenté un plan d’action pour “regagner la confiance des usagers” et renforcé son équipe administrative. L’entreprise revendique des améliorations en décembre sur la ponctualité ou les appels décrochés. “D’autres mesures atteindront leur pleine efficacité dans les semaines à venir”, a précisé la filiale.
Des progrès peu perceptibles pour les usagers, selon Mme Morellec.
Pas d’alternative
Les usagers du PAM, dont l’invalidité dépasse 80%, ont très peu accès aux autres modes de transport en commun. La voiture ou les taxis – pas nécessairement plus accessibles – sont souvent trop chers. Pour les personnes qui n’ont pas d’autres ressources, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) est au maximum de 1 016 euros.
le PAM n’est pas réservé au “lourd handicap moteur” mais doit transporter toutes les personnes ayant besoin d’assistance pour se déplacer, dont les personnes malvoyantes ou en déficit cognitf, et les personnes âgées, toutes personnes en perte d’automie constatée médicalement ou détenteurs d’une carte “mobilité inclusion” à 80% .
Les difficultés sont liées aux process de travail quasi totalement numérisés de la plateforme de réservation et de transmission des informations aux conducteurs. L’impossiblité de communiquer avec un agent humain accessible en temos réel pour les conducteurs et les usagers (qui ne peuvent même pas contacter entre eux) interdit l’adaptation aux situations réelles .
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