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Rénovation du théâtre des Amandiers à Nanterre : les raisons du dérapage financier

Rénovation du théâtre des Amandiers à Nanterre : les raisons du dérapage financier © Snohetta

Dans un audit flash, la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France a passé au peigne fin la rénovation du théâtre des Amandiers à Nanterre, pour analyser les raisons du dérapage financier entre les premières estimations et le final, détaillant les différentes raisons de celui-ci. Elle en conclut notamment un problème d’assistance à maîtrise d’ouvrage, que la ville conteste.

Premier centre dramatique national (CDN) implanté en banlieue en 1971, durablement marqué par l’aura de l’’un de ses directeurs, Patrice Chéreau, est porté par  une SARL financée à 76 % par l’État via la DRAC Île-de-France, soit près du tiers des crédits alloués aux sept CDN franciliens. Le bâtiment, propriété de la ville de Nanterre, fait depuis quinze ans l’objet d’un projet de rénovation qui s’enlise et vient de faire l’objet d’un audit flash de la part de la Chambre régionale des comptes en raison du dérapage financier de cette rénovation et son impact sur les financeurs.

Son financement est, en effet, assuré par l’État, la région Île-de-France, le département des Hauts-de-Seine, et la commune de Nanterre, qui ont augmenté leurs contributions à hauteur de 41 M€ en juillet 2021. “La commune peine à réunir des financements complémentaires aujourd’hui nécessaires et les financeurs s’interrogent sur les raisons des surcoûts. En janvier 2025, les contributeurs ont tout de même à nouveau augmenté leurs contributions, portant l’enveloppe globale à 50 M€”, situe la Chambre.

La réhabilitation, évoquée dès le milieu des années 2000, a pris forme en 2015 avec une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage confiée à Café Programmation, lequel a recommandé de restructurer le bâtiment existant plutôt que de le reconstruire..

Le projet a ensuite été confié à la prestigieuse agence norvégienne Snøhetta, qui a notamment réalisé l’opéra d’Oslo, une partie du mémorial du World Trade Center de New-York et plus récemment le nouveau siège du journal Le Monde. L’agence est mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre (MOE). Le projet, décidé au terme d’un dialogue compétitif, a néanmoins divisé. “Il a fait l’objet de nombreuses réserves, notamment quant à sa soutenabilité économique et à ses aspects fonctionnels, de la part de l’État, mais également de l’économiste du groupement d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) programmiste Café Programmation”, note la Chambre. Conséquence : le groupement d’AMO quitte le projet  sans que la commune ne le remplace. Un couac qui aura des conséquences en termes de maîtrise du chantier.

De 34,25 à 58,35 millions d’euros

D’abord estimé à 34,25 millions d’euros HT, le projet  monte à  42,1 M€ dès  2021, suite à des ajouts de prestation et une opération de désamiantage non prévue. Surtout, il grimpe encore à 58,35 M€ en janvier 2025, soit une hausse de plus de 70 % en six ans. Cette nouvelle hausse est liée à l’actualisation des coûts en tenant compte de l’inflation  (3,4 M€), mais aussi à l’allongement des délais du chantier, percuté par la crise sanitaire (3,9 M€), la faillite de prestataires (3,1 M€), et encore des aléas de chantier et de nouvelles demandes de la ville et du théâtre. 

Absence d’assistance à maîtrise d’ouvrage

Pour expliquer ces dérapages, au-delà de la crise sanitaire, la Chambre estime que la programmation aurait dû être plus précise et économe en amont et regrette l’absence d’une assistance à maîtrise d’ouvrage complète et spécialisée durant l’ensemble de ce projet ambitieux et complexe. En outre, les changements dans la manière d’envisager la poursuite d’activité durant les travaux n’ont pas aidé. “Le choix tardif de créer un théâtre temporaire sur site, plutôt que de s’orienter vers des solutions telles que la programmation hors-les-murs ou la création d’un théâtre temporaire hors site, a imposé des reprises d’études et rendu plus complexe le chantier du bâtiment principal, ses abords devant être compatibles avec les normes des établissements recevant du public”, déroule la Chambre. Sans compter la mésentente entre la ville et le directeur du théâtre de l’époque.

Aléas conjoncturels

Une explication de dérapage que conteste la ville, dans sa réponse au rapport. Celle-ci note que “la Chambre confirme que près des deux tiers du dépassement budgétaire sont directement imputables à des aléas de chantiers et conjoncturels (aléas techniques, crise sanitaire du Covid, inflation des matériaux liée à la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine), totalement extérieurs au pilotage de cette opération” et s’étonne “que le rapport maintienne le fait que l’absence d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) constituerait la raison principale du dépassement budgétaire.”

Un dérapage qui n’est pas “exceptionnel”

Pour la ville, le dérapage n’a rien d’exceptionnel pour un équipement culturel, dans le contexte des années concernées. “A titre d’exemple, la rénovation du Théâtre de la Ville à Paris sur la même période a duré 7 ans au lieu de 3 et son budget initial de 26 millions d’euros a atteint 40 millions au terme du chantier”, développe le maire, Raphaël Adam.

L’élu relativise par ailleurs cette dépense au regard des autres dépenses d’investissement, rappelant que la commune prend à sa charge 24 millions d’euros,  sous réserve de futurs financements complémentaires des financeurs, à mettre en perspective avec les 45 à 60 millions d’euros de dépenses d’investissement municipal annuel. “Ce qui revient pour le théâtre des Amandiers à une somme moyenne allouée de 6 millions d’euros, soit environ 10 à 13 % du budget global d’investissement annuel”, détaille l’édile.

Sur la forme, le maire reproche à la Chambre d’avoir insuffisamment tenu compte de ses réponses dans son rapport et estime qu’il a intégré des éléments qui ne figuraient pas dans le rapport d’observations provisoires et n’a donc pas pu faire l’objet d’une procédure contradictoire et d’une réponse de la ville. 

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