Entreprendre | | 09/06
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Serres ultra high-tech à Ivry-sur-Seine : le pari interplanétaire d’Interstellar Lab

Serres ultra high-tech à Ivry-sur-Seine : le pari interplanétaire d’Interstellar Lab © CD

Des serres ultra-technologiques vendues aux plus grandes marques de cosmétiques, un module qui partira bientôt dans l’espace avec la rose du Petit Prince… A Ivry-sur-Seine, la startup Interstellar Lab a réussi son pari de révolutionner l’agriculture, sur terre comme au ciel, grâce à ses serres aéroponiques, les BioPods. Retour sur une aventure inspirante avec sa créatrice, Barbara Belvisi. A voir sur Vivatech 2025.

Paisiblement posée dans le parc d’activités Capstone d’Ivry-sur-Seine, le premier prototype de BioPod de la startup Interstellar Lab, une structure ovoïde gonflable d’une cinquantaine de m2 baignée de lumière rose, semble prête à décoller pour Mars. A l’intérieur, un concentré de technologie et une odeur de jasmin qui donne toute sa puissance. La startup a relevé le défi : piloter un climat optimal pour cultiver les espèces les plus exigeantes en aéroponie (hors-sol), comme les edelweiss, tout en optimisant la matière première, à commencer par l’eau. “Nous nous appuyons sur l’ingénierie du spatial pour développer des serres de culture avancées qui consomment le moins d’énergie possible, le moins d’eau, et nécessitent le moins d’intervention”, explique la fondatrice, Barbara Belvisi.

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De Champigny-sur-Marne à l’incubateur de la Nasa

Comment une telle idée a-t-elle germé ? Née à Champigny-sur-Marne en 1985 et passée par le lycée Marcellin Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés, la créatrice n’avait pas vraiment pris la direction du spatial ni de l’agriculture. Etudiante à l’EM Lyon, une école de commerce, Barbara Belvisi n’attend pas son diplôme pour partir travailler dans la finance, côté investissements. Une expérience qui fera la différence, au moment de se lancer. “Si je n’avais pas eu ce background en finances, cela n’aurait clairement pas été possible !” Après avoir travaillé pour des grands groupes, elle se rapproche des startups via un fonds d’investissement, puis monte sa propre société de gestion en 2013, pour financer des projets de robotique, intelligence artificielle, innovation.

Fan de SF depuis l’enfance, elle se rapproche déjà des technologies futuristes. Mais la trentaine passée, la spécialiste des levées de fond a l’impression d’avoir fait le tour et se verrait bien mettre son savoir-faire au service d’un projet qui lui fasse sens. “J’avais envie de faire un truc qui serve à la planète”, résume-t-elle. En listant les enjeux, Barbara Belvisi retient l’agriculture. “Mes grands parents avaient des serres en Pologne, où je passais mes étés à lire, beaucoup de science-fiction”, se souvient-elle. Les serres, l’agriculture, le manque d’eau, le besoin de capturer le CO2, l’espace… Le puzzle commence à s’assembler.

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A l’intérieur du BioPod

“J’ai commencé à travailler sur un concept de serre en système fermé pour la terre”, rappelle l’ex-financière. Jusqu’à ce qu’Elon Musk annonce, en 2017, son projet de créer des fusées réutilisable en vue de devenir une espèce interplanétaire. “Cela a fait tilt car c’est ce à quoi j’ai toujours rêvé quand j’étais petite.” La terre ou l’espace ? Sa sœur lui conseille les deux. Le projet sera donc interplanétaire. Suivent des rencontres avec des investisseurs, des échanges avec Elon Musk himself, et, surtout, avec la Nasa, première agence à lui faire confiance sur sa vision, malgré son absence de diplôme sur le sujet. Elle y sera incubée et crée donc sa société mère aux Etats-Unis. En France, l’entrepreneur Bruno Maisonnier, le fondateur des robots Aldebaran, fait aussi partie des premiers à miser.

Un pilotage ultra-précis par IA

Le concept de serres spatiales, les BioPods, se formalise. Le principe : une bulle gonflable, légère mais résistante, dans laquelle les plantes sont cultivées en aéroponie, en ne laissant aucun paramètre au hasard, de la luminosité à la température en passant par l’apport nutritif et l’eau, distribuée au compte-goutte. Autant de paramètres pilotés par des intelligences artificielles.

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Culture d’édelweiss

L’idée est de connecter ensuite ces BioPods “pour créer une station lunaire ou martienne.”

“On peut recréer n’importe quel type de climat

De quoi repasser par la France avec un concept solide, en 2019. L’accueil est plus que positif. Les premiers contrats sont passés avec des groupes de luxe et cosmétiques, pour tester des cultures de plantes à l‘approvisionnement difficile. “On peut recréer n’importe quel type de climat, hors sol, en utilisant beaucoup moins d’eau et en capturant du CO2. On accélère aussi les cycles. C’est le cas, par exemple, de la Centella, dont le cycle de croissance est en principe de 8 à 10 mois, et que nous faisons en pousser en 3-4 semaines en raison de l’optimisation du climat et de l’absence d’aléas”, détaille Barbara Belvisi. Idem pour le muguet qui, en principe, ne fleurit qu’une fois par an. Cela permet aussi d’assurer une qualité constante du produit et de relocaliser la production de ces plantes rares. Un enjeu crucial pour les marques de cosmétiques. “Parfois, la production d’un parfum peut être suspendue faute de disponibilité d’un ingrédient.

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A l’intérieur du BioPod, culture de jasmin

Début 2020, en pleine crise sanitaire, la filiale est créée en France, déployant d’abord ses maquettes à la Station F avant de partir à Ivry-sur-Seine pour construire en taille réelle. “On a été super bien accueillis par tous les acteurs en Val-de-Marne, et c’est très pratique. Moi je viens en vélo depuis Paris et beaucoup de salariés habitent à proximité.” Les levées de fond se poursuivent, tout comme les recrutements d’ingénieurs et d’agronomes. Aujourd’hui, la société compte une quarantaine de salariés à Ivry, en plus d’une petite équipe aux Etats-Unis.

Le premier prototype voit le jour, sur une cinquantaine de m2. “Au départ, on a opté pour la forme ovale afin d’optimiser l’espace tout en ayant une bonne circulation de l’air”, détaille Barbara Belvisi. Un compromis entre le dôme et le rectangle. La nouvelle génération a depuis été rationnalisée, en format rectangulaire, pour accueillir plus de modules.

Evolution du format du BioPod

Un modèle économique centré sur les serres

Alors que les premiers contrats de serres aéroponiques terrestres se concrétisent avec des groupes comme L’Oréal, au terme de la phase d’expérimentation, la société a clairement arbitré en faveur de la vente de serres et non directement de plantes. Pas question de se diversifier dans l’horticulture, mais bien de se concentrer sur l’évolution technologique des serres, vendues plusieurs centaines de milliers d’euros, hors maintenance. Pour les marques, l’enjeu est d’internaliser le sourcing, de la même manière que lorsqu’elles achètent un champ de fleurs à Grasse. A la différence près que les serres promettent de cultiver des plantes de tous les types de climats.

© Interstellar Lab L'Oreal
La serre verticale développée pour L’Oréal, à découvrir sur le salon Viva Tech

Sur terre et dans l’espace

En parallèle, les projets spatiaux se poursuivent avec la Nasa, mais aussi les agences spatiales américaines privées qui enverront leur propre station lorsque l’ISS sera désorbitée, en 2030. “On a signé des contrats avec les trois agences spatiales privées.” La première station qui devrait être mise en orbite est Haven-1, à l’initiative de l’agence Vast et qui sera propulsée par les vaisseaux Crew-Dragon de Space X, dès mai 2026. Pour s’adapter au gabarit d’une station spatiale, le BioPod a été réduit à l’un de ses modules, format micro-onde encastrable dans un mur de projets tests.

© Vast
Le projet de module dans la future station Haven-1 de Vast, qui pourra accueillir quatre astronautes

La rose du Petit Prince sur la Lune

Parmi les plantes qui partiront dans l’espace, figurera dans la Rose du Petit prince, dans le cadre d’un partenariat avec les ayant-droits de Saint-Exupéry. “Nous travaillons actuellement à la sélection du rosier avec la maison Meilland.” Une première étape avant de la déposer un jour sur la Lune, et pourquoi pas sur Mars.

© Interstellar Lab
La rose du Petit Prince, peut être un jour sur la Lune, puis Mars…

RDV à Viva Tech 2025 cette semaine

En attendant, Interstellar Lab sera présent sur Vivatech cette semaine, du 11 au 14 juin, sur le stand du CNES (Centre national d’études spatiales) qui met en avant les startups du spatial. Il sera aussi possible d’y découvrir les serres verticales sur le stand de L’Oréal.

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