Culture | Paris | 02/01
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Visiter Paris : l’opéra du Palais Garnier fête ses 150 ans

Visiter Paris : l’opéra du Palais Garnier fête ses 150 ans © WCC Benh Lieu Song

Ce 5 janvier, le Palais Garnier, qui abrite l’un des deux opéras de Paris, fête ses 150 ans. L’occasion de visiter ce joyau, des fastueuses salles d’apparat au plafond dessiné par Chagall.

Le 5 janvier 1875, après 14 ans de travaux menés par l’architecte Charles Garnier, le monument commandé par Napoléon III, qui a coûté 36 millions de francs or (329 millions d’euros aujourd’hui), est inauguré en grande pompe par Mac Mahon, président de la République, en présence de 2 000 invités venus en France de toute l’Europe, dont des têtes couronnées.

“À son ouverture, c’est le plus grand opéra au monde, haut la main : 173 mètres de long, 125 mètres de large”, explique le guide-conférencier Jean-Jacques Serres, à l’occasion d’une visite du bâtiment. Avec 27 mètres de profondeur, 48 mètres de large (coulisses incluses), 60 mètres de haut, sa “scène est alors la plus grande. C’est trois fois la taille d’une scène de Broadway !”

À l’époque, le bâtiment est éclairé par des milliers de becs de gaz. L’électricité naissante n’est pas encore jugée assez fiable pour équiper tout le bâtiment. Dès 1881 toutefois, les 340 becs de gaz du grand lustre du théâtre seront remplacés par des ampoules électriques. L’Opéra Garnier est l’un des premiers édifices parisiens à bénéficier d’une installation électrique complète. L’avenue de l’Opéra voisine est d’ailleurs la première artère parisienne à expérimenter l’éclairage public électrique en 1878.

L’inauguration du palais Garnier en 1875, par auteur inconnu. Credit : Prints and Photographs division de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis

Actuellement cachée par une bâche installée pour cause de rénovation, sa façade aux matériaux polychromes, masques dorés, médaillons et allégories, frappe par son opulence et vient contraster avec l’architecture rigoureuse du baron Haussmann.

“Les deux hommes ne s’entendaient pas. Haussmann avait réalisé, autour, des bâtiments un peu plus hauts que prévu. Garnier, en colère, a rajouté quelques mètres à sa façade”, raconte le guide.

Quand Maria Callas fut rappelée 21 fois !

L’intérieur se veut aussi majestueux, entre son escalier monumental, ses différents marbres et ses salles rivalisant de dorures.

© WCC Degrémont Anthony
Le grand foyer

Depuis son ouverture, les temps forts s’y sont succédé, grâce aux stars qui s’y sont produites. C’est ainsi à l’Opéra de Paris que Maria Callas triomphera pour la première fois, le 19 décembre 1958, avec un récital unique retransmis à la télévision, devant un parterre de célébrités dont Charlie Chaplin et Brigitte Bardot.

La “Divine” se produit de nouveau sur la scène de Garnier en 1964 et 1965. Le 20 février 1965, l’AFP décrit le triomphe de la diva : “Vingt et un rappels ont salué ce soir Maria Callas qui interprétait La Tosca pour la première fois à l’Opéra. De l’orchestre à l’amphithéâtre (…), les applaudissements crépitaient, les fans scandant -Cal-as, Cal-as- tandis qu’une pluie de bouquets ne cessait de s’abattre sur la scène”.

Rudolf Noureev : la “rockstar du ballet”

Parmi les personnages de légende qui ont foulé la scène Garnier, le danseur et chorégraphe russe Rudolf Noureev, dont les chorégraphies sont toujours régulièrement dansées. Une vingtaine d’années après son spectaculaire passage à l’Ouest à l’aéroport du Bourget, faussant compagnie aux agents du KGB alors qu’il était en tournée, il sera directeur du ballet de l’Opéra de Paris, nommé en septembre 1983 par le ministre de la Culture Jack Lang.

Pour sa première saison à Garnier, Noureev donne le ballet russe “Raymonda”. L’agence soviétique Tass salue alors le spectacle qui “enrichit le répertoire du théâtre parisien” mais ne fait aucune mention du danseur transfuge.

Cette “rockstar du ballet” -compliment de l’ex-danseur Manuel Legris, lui-même nommé danseur étoile par Noureev en 1986- est fauché le 6 janvier 1993 par le sida. Fait unique, sa dépouille est honorée dans l’enceinte de Garnier, son cercueil porté dans l’escalier monumental par six de ses anciens danseurs étoiles.

Un plafond de Chagall à se dévisser la tête

Si l’édifice, classé “monument historique” en 1923, est tant visité chaque année – un million de personnes en 2023 -, c’est aussi pour les toiles aux couleurs vives et personnages aériens cousues au plafond de la salle de spectacle, dessinées par Marc Chagall.

© WCC Arno Boujika
Le magistral plafond de Marc Chagall

Cette commande, hommage à 14 compositeurs d’opéras et de ballets, venait du ministre de la Culture André Malraux en 1964, qui goûtait peu le plafond original de Jules-Eugène Lenepveu. Cette décoration d’origine du peintre académique subsiste néanmoins, sous les panneaux de Chagall. Et certains militent pour qu’on les démonte, au moins à titre temporaire, pour rendre de nouveau visible le plafond de Lenepveu.

© WCC AgathaNi
La maquette de l’ancien plafond, de Lenepveu

Le fantôme de l’opéra

Parmi les loges, la cinquième est particulière : “C’est celle qu’Éric le fantôme avait réquisitionnée, dans le roman de Gaston Leroux”, explique Jean-Jacques Serres. L’auteur du “Fantôme de l’opéra” (1910) avait imaginé ce personnage qui, cachant sous un masque un visage abîmé par un accident, venait écouter une soprano dont il était amoureux.

Et que dire de la scène, qui a vu passer les plus grands danseurs, de la Russe Tamara Toumanova au Français Patrick Dupond, et se faire entendre les voix de Maria Callas ou de Fiodor Chaliapine.

C’est justement dans la “cage” de scène, à savoir l’espace qui l’entoure au-dessus et en dessous, qu’auront lieu, à partir de l’été 2027, des travaux de modernisation des équipements et de rénovation empêchant tout spectacle de s’y tenir pendant deux ans.

Tout pour éviter les incendies

Au cinquième dessous, se trouve un immense réservoir utilisé par Garnier comme contrepoids pour stabiliser les fondations du bâtiment, une eau précieuse puisque “le feu était le principal ennemi des salles de spectacle”, rappelle le conférencier. “Aujourd’hui, le réservoir sert aux pompiers” pour qu’ils s’entraînent à plonger en milieu fermé.

En coulisse

Dans les coulisses, on pénètre aussi dans l’ancienne salle des machines, avec des rangées de cabestans et de filins. Manipulés par les “soutiers” avec l’aide de contrepoids, ils servaient à lever ou descendre rideaux et toiles en trompe-l’œil stockés bien plus haut, au-dessus de la scène. Ils ont depuis été remplacés par des moteurs électriques.

En levant les yeux, on aperçoit le premier dessous et sa trappe, qui permet à Giselle, l’héroïne de ballet, de disparaître, tandis que, sur un mur, figurent l’inscription “abri A”, car l’Opéra a servi de refuge “aux gens du quartier pendant la Seconde Guerre mondiale” – et un trait “H” comme hauteur, marquant le niveau de l’eau lors de la crue du 31 janvier 1910.

Autre élément remarquable : l’escalier dit “de l’éléphant”, qui vit passer un pachyderme prêté par un cirque pour une représentation des “Indes Galantes” de Rameau.

Dans les étages se trouvent les loges personnelles ou collectives des 154 danseurs du Ballet et, tout en haut, cinq studios de répétition… En revanche, depuis leur déménagement en 1987 à Nanterre (ouest de Paris) ne les cherchez plus : il n’y a plus de petits rats.

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