Transports | Paris | 01/02/2023
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Au terminus des bus de la gare de l’Est, la grève ne prend pas

Au terminus des bus de la gare de l’Est, la grève ne prend pas

Avec 8 bus sur 10 en état de marche ce mardi, le réseau de bus parisien est resté relativement épargné par la grève contre la réforme des retraites. À la gare de l’Est, les chauffeurs oscillaient entre résignation et fatigue des mouvements sociaux, malgré une franche opposition au gouvernement. Reportage.

Dans le local éclairé au néon des machinistes de bus de la gare de l’Est, impossible de ne pas voir l’affiche rouge collée à côté de la porte d’entrée appelant à la grève le 31 janvier. Pourtant, à l’extérieur, le trafic semble suivre son cours normal ce matin, avec 8 bus sur 10 en circulation dans la capitale selon la RATP. Seuls indices du débrayage en cours : les attroupements de passagers autour des employés en uniforme vert sombre. Parisiens, banlieusards ou touristes, ils sont plusieurs dizaines à demander leur chemin pour se rendre à Aubervilliers, à la gare Saint-Lazare ou la place de l’Étoile.

Résignation

Entre deux renseignements, Yassine* fume une dernière cigarette devant son bus avant de démarrer son trajet de la ligne 32, terminus porte d’Auteuil. Pour lui, la réforme est déjà jouée d’avance. “La grève, ça va rien changer ! Regarde tous les 49.3 qu’il y a eu ! Pour que ça réussisse, il faudrait qu’on soit tous solidaires. Mais là, je regarde autour de moi, et tous les cafés sont ouverts”, disserte-t-il en s’installant dans sa cabine.

Même discours pour Marie*, 28 ans, dont 3 derrière un volant. “J’ai repris le travail hier, je me suis dit que ça ne servait à rien de faire grève…”  Pourtant, sur la pénibilité du travail, elle a des choses à dire, elle qui revient de trois mois d’arrêt de travail suite à une agression ici même, gare de l’Est. “Un toxico qui m’a mis des coups”, raconte-t-elle, sans s’étendre sur le sujet. La grève n’a pas l’air d’être au sommet de ses préoccupations. “Dans les groupes WhatsApp, ça parle beaucoup de ça, mais je calcule pas trop.” Dans son dépôt d’Aubervilliers, elle affirme n’avoir compté que 22 grévistes, sur environ 500 employés.

Conflits sociaux

Pourtant, quelques mètres plus bas, le conflit social bat son plein, avec moins d’un train sur 2 sur l’ensemble des lignes de métro et de RER non-automatisées. Alors, pourquoi une telle différence ? Première explication : les machinistes sortent à peine d’un conflit social de longue durée. Après trois mois ponctués de nombreuses grèves, les 18 000 conducteurs de bus et de tramway ont obtenu le 6 janvier dernier une compensation de salaire de 372€ bruts par mois, en l’échange de 120h de travail supplémentaires par an et 6 jours de repos annuel en moins. “Les gars sont fatigués de faire grève”, observe Bruno*, responsable de l’une des lignes au départ de Gare de l’Est. “Les gens ont impression d’avoir obtenu ce qu’ils voulaient” ajoute une autre encadrante, postée devant le local des machinistes. 

Autre explication : le choc des générations. “C’est vrai que les jeunes font moins grève, il y a de moins en moins de soixante-huitards”, rigole Moussa* entre deux bouchées de sandwich. Une analyse que partage Fabrice*, qui opère sur la même ligne. “Les jeunes font moins grève parce qu’ils ont moins à perdre” observe-t-il en faisant référence à la précédente réforme des régimes spéciaux. Décidée en 2008, cette dernière annule l’année de bonification dont les employés bénéficiaient pour chaque cinq années cotisées, reculant mécaniquement l’âge de départ à la retraite du personnel entré à la régie après la réforme. Bruno, lui, observe que les nouvelles recrues restent moins longtemps que leurs aînés, “parce que le métier n’attire plus. Entre les incivilités, les vélos et les trottinettes…”

Malgré tout, le rejet de la réforme est unanime. “On est tous concernés, on n’est pas pour cette réforme !”, assure Bruno. Ce lundi soir, l’intersyndicale annonçait deux nouvelles journées de mobilisation pour les 7 et 11 février. Bruno, lui, estime que ses troupes sont “en attente”. “Mais si le gouvernement continue son bla-bla, c’est pas impossible qu’on parte en grève…”

*tous les prénoms ont été changés.

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