Éclaboussée par des plaintes pour agression sexuelle et harcèlement sexuel et moral visant son chef, la Maîtrise des Hauts-de-Seine cherche à rassurer les familles, mais les mesures annoncées laissent perplexes les plaignantes et certains parents.
Gaël Darchen, à la tête depuis 1999 de cette structure regroupant 500 chanteurs de 5 à 35 ans au sein d’un chœur et d’une école les formant au chant, est mis en cause par cinq femmes, ex-membres de la Maîtrise, majeures au moment des faits reprochés. Elles l’accusent de gestes déplacés, remarques sexistes, humiliations et d’avoir fait régner un climat de terreur. Le parquet de Nanterre a ouvert une enquête confiée à la Brigade de répression de la délinquance aux personnes.
M. Darchen, qui conteste fermement les accusations, a été mis en retrait par le conseil d’administration de la Maîtrise en juillet. Une décision qui n’est pas synonyme de suspension de son contrat de travail, note le président Michel Haas à l’AFP. “Cela signifie qu’il n’a plus de contact avec les maîtrisiens et les maîtrisiennes. Il n’anime plus de répétitions, ne dirige plus de concerts.” Il continue cependant d’animer l’équipe pédagogique et de gérer la Maîtrise, notamment “la relation avec les partenaires”, selon lui.
M. Haas assure n’avoir jamais reçu de signalement pour comportement inapproprié. Le directeur a donc toujours accès à son bureau de la Seine musicale, le complexe culturel qui accueille la Maîtrise à Boulogne-Billancourt. “Rien n’est fait comme il faudrait”, déplore Adélie (prénom modifié), une mère d’élève: “Si Darchen avait voulu sauver la Maîtrise, il aurait démissionné pour la protéger.”
“un personnage malsain, qui faisait régner (…) une emprise silencieuse”,
Dans leur plainte, étayée par de nombreux témoignages, les ex-maîtrisiennes dénoncent un chef omniprésent. “C’est un personnage malsain, qui faisait régner (…) une emprise silencieuse”, corrobore une ex-professeure de chant de la Maîtrise. “Son jeu préféré était de débarquer et de terroriser son petit monde par sa toute-puissance”, se souvient-elle. “C’était le Roi Soleil qui arrivait, il fallait être dans ses petits papiers, faire en sorte d’être bien vu.”
Un audit interne a été lancé en septembre. Ses conclusions sont attendues en fin d’année. Dans le formulaire envoyé aux parents, que l’AFP a pu consulter, agressions et harcèlement sexuels ne sont pas mentionnés. Seule une des 28 questions porte sur la “sécurité des enfants et la prévention des risques”.
Ces accusations de violences sexuelles “relèvent de la justice, nous n’avons pas à mener une enquête sur ce sujet”, défend M. Haas. “En revanche, il y avait des remises en cause ou des interrogations sur le fonctionnement de la Maîtrise: l’accès aux locaux, les relations avec les parents, leur participation à la gouvernance. Il nous a semblé que c’est ce sujet qui cristallisait les tensions.”
L’institution a mis en place une cellule de soutien, pour les adultes et les enfants, et indique que ses employés recevront une formation à la prévention des risques de harcèlement moral et sexuel.
Pour Me Helin Köse, qui assiste les plaignantes, cette réponse est insuffisante. Ses clientes “regrettent l’absence de mesures concrètes prises par la Maîtrise, à l’instar d’autres institutions partenaires.”
“Cela engendre chez elles le sentiment amer de ne pas être crues par cette structure qui a tant compté pour elles“, poursuit l’avocate des plaignantes, accompagnées par l’association #MeTooMedia.
“Je ne les sens pas capables de se détacher de son influence ou de son autorité”
Le “plan d’actions” a reçu le soutien du conseil départemental des Hauts-de-Seine, principal partenaire financier de la Maîtrise. En revanche, le partenariat avec l’Opéra national de Paris, dont la Maîtrise était le choeur d’enfants depuis 1995, a été suspendu dans l’attente du retour de l’audit et des témoignages. La collaboration du choeur des jeunes adultes Unikanti avec le Théâtre des Champs-Elysées est maintenue, mais le directeur n’assistera pas aux répétitions et représentations.
Pour Michel Haas, Gaël Darchen a fait preuve de “responsabilité” en acceptant les mesures du conseil d’administration. “Ils sont dans un déni complet de la problématique”, estime Adélie, mécontente des échanges organisés depuis la rentrée avec les parents d’élèves. “Je ne les sens pas capables de se détacher de son influence ou de son autorité”, abonde Alexandre (prénom modifié), un autre parent d’élève.
Seules cinq à six familles ont choisi de suspendre la participation de leurs enfants à la Maîtrise, selon Michel Haas, qui affirme avoir reçu “des centaines de témoignages de parents qui veulent conserver le projet”. L’ex-professeure de chant interrogée par l’AFP, elle, ne “tremble” que d’une seule chose: “que Gaël Darchen s’en sorte”.
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.