Augmentation des surfaces cultivées, encouragement de l’emploi agricole, expérimentations innovantes, intensification des circuits courts et bio dans les cantines et restaurants administratifs, partage d’expériences… Ce lundi 18 décembre, le Conseil départemental du Val-de-Marne a voté à l’unanimité un plan offensif pour maintenir et faire prospérer l’agriculture locale et poursuivre sa transition vers le bio.
Contexte. En matière d’agriculture, le département ne part pas de rien. “En 2010, l’agriculture occupait 4% de la surface du territoire, soit environ 1 000 ha (équivalent à la surface du bois de Vincennes) sur quinze communes contre 1346 ha en 1988 (- 26%). Les terres agricoles du Val-de-Marne ont toutefois un peu mieux résisté qu’à l’échelle de la petite couronne qui perdaient 43 % de leur surface sur la même période“, contextualise le document de présentation du plan d’action. Le nombre d’exploitations,lui, a diminué de 72% entre 1988 et 2010. “Depuis 2010, l’artificialisation des terres se poursuit à un rythme moindre mais des terres officiellement cultivées accueillent des activités de moins en moins agricoles (dépôts-vente de sapins, vente de plantes, stockages divers)“, note le rapport du département. L’agriculture subsiste principalement dans le Plateau Briard (600 ha), le Haut Val-de-Marne (200 ha), la Plaine de Montjean à Rungis, le parc des Lilas à Vitry-sur-Seine et la Plaine des Bordes à Chennevières-sur-Marne (200 ha pour ces trois sites). 80% des surfaces cultivées sont dédiées aux grandes cultures céréalières et 20% au maraîchage et à l’horticulture, contre seulement 8% à l’échelle de l’Ile-de-France. Le Val-de-Marne a surtout fait sa réputation en matière d’horticulture, avec notamment les roses mais aussi les orchidées et les lilas, qui doivent néanmoins se positionner sur des marchés de niche pour résister à la concurrence internationale. Du côté des maraîchers, une nouvelle génération montre la voie, travaillant en circuit court avec les marchés de la région, mais peine à compenser les départs. Certains développement des manières innovantes de vendre, à l’instar de Stéphane Cosse, maraîcher de Périgny-sur-Yerres, qui met à disposition ses produits dans des casiers à Mandres-les-Roses. “Les 9 exploitations bio sont émergentes pour la plupart et plus petites. Elles présentent des situations économiques parfois encore fragiles. Enfin, se développent depuis une vingtaine d’années des fermes et des jardins urbains dont l’activité est hybride, avec des dimensions à la fois productives, sociales et éducatives“, indique le rapport. Du côté des consommateurs, entre 20 et 30 Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne, qui engage des habitants et un maraîcher sur une commande annuelle distribuée chaque semaine sous forme de paniers variés) ont aussi poussé dans le département depuis une douzaine d’années, qui contribuent à maintenir l’activité agricole locale (pas forcément en Val-de-Marne).
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Ce qui est déjà fait à l’échelle du département
Le département a pour sa part soutenu l’agriculture, à la fois via des aides financières comme l’Adhom (aide départementale en faveur de l’horticulture et du maraîchage) complémentaire d’un dispositif régional, depuis 1997, mais aussi en développant le foncier via la création de parcs et espaces naturel sensibles dont certaines parties accueillent de l’agriculture, notamment dans le parc des Lilas ou sur la plaine des Bordes. Cette dernière accueille ainsi une association d’apiculture, des jardins familiaux et partagés, un élevage d’ânesses bio, un chantier d’insertion en maraîchage bio et encore une association qui milite pour la relocalisation de l’agriculture. Un nouveau pôle agricole doit aussi se développer dans la plaine Montjean, à Rungis, en 2019. La collectivité intervient également en soutien des projets d’insertion liés à l’agriculture, à la Ferme du Saut du loup à Chevilly-Larue, la Ferme des Meuniers à Villeneuve-le-Roi, ou encore avec le chantier d’insertion en maraîchage biologique Val Bio Ile-de-France (49 emplois dont 40 en insertion). Depuis 2015, la collectivité est également membre de la Société coopérative d’intérêt collectif (Scic) Coopérative bio Ile-de-France qui regroupe producteurs, intermédiaires, distributeurs et acheteurs publics.
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Un plan d’action en sept objectifs
C’est dans ce contexte qu’une refonte de la politique agricole a été initiée depuis deux ans, avec notamment des temps d’échanges de visu qui ont rassemblé 700 personnes à l’occasion de visites ou l’organisation des Rencontres de l’agriculture urbaine et périurbaine. Une consultation numérique a également été menée. Objectif : structurer un réseau d’acteurs et se donner des objectifs avec une charte pour l’avenir de l’agriculture val-de-marnaise et un plan d’action pour une agriculture en transition décliné en 7 objectifs.
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L’insertion dans l’emploi au service de l’agriculture
Le premier objectif est de favoriser l’emploi “inclusif et solidaire”. Ceci passe par trois actions : la sensibilisation des personnes privées d’emploi, des étudiants et du grand public au métier de paysan, le soutien des acteurs de l’économie sociale et solidaire qui développent des actions d’insertion autour de l’agriculture et développer des actions avec le monde agricole à destination des personnes éloignées de l’emploi. “Le chantier Val Bio Ile de France continue de monter en puissance et de nouveaux projets vont voir le jour sur la plaine Montjean. Nous avons également un projet de pépinière d’activités agricoles à Mandres-les-Roses”, détaille Jeannick Le Lagadec, conseillère départementale LFI déléguée notamment à l’agriculture périurbaine.
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30% de produits bio et locaux dans les cantines des collèges et de l’administration
Le deuxième objectif passe par le soutien à l’activité via la consommation, à la fois collective et individuelle. Concrètement, le département, qui a déjà mis à disposition une centrale d’achat à ses chefs cuisiniers des collèges, entend poursuivre la sensibilisation pour atteindre l’objectif de 30% de produits bio et local dans les assiettes, tant dans les collèges que dans les restaurants administratifs d’ici à 2024. Pour encourager l’évolution des habitudes individuelles, le plan d’action propose de nouer des partenariats avec les grands acteurs de la transition agricole locale comme le pôle Abiosol qui rassemble notamment le Groupement des agriculteurs bios, la foncière Terre de liens, le réseau des Amap d’Ile-de-France ou encore la couveuse du Champ des Possibles. “Nous avons signé une convention de trois ans avec Abiosol“, indique Jeannick Le Lagadec
500 hectares supplémentaires de terre cultivée
Condition sine qua non pour maintenir l’agriculture locale : sanctuariser les terres dédiées à cette activité dans un contexte de forte pression sur le foncier. C’est l’enjeu du troisième objectif du plan d’action, avec un objectif chiffré : 500 hectares d’espaces cultivés supplémentaires en 2029 dont 250 ha dans cinq ans. Un objectif qui revient à augmenter de 50% la superficie actuellement cultivée, et dont le plan convient qu’il dépend d’un “scénario idéal dans lequel la société et l’ensemble des politiques publiques prennent en compte la nécessaire transformation écologique des modes de production et consommation“. Car non seulement il s’agit de trouver de l’espace supplémentaire, mais aussi de conserver l’existant, dans un contexte de forte pression sur le foncier. Concernant les terres de conquête, cela passe par des friches, dont il faudra préalablement s’assurer de la qualité et propreté des sols, mais aussi par les nouvelles formes d’agriculture urbaine. “Plusieurs villes ont des projets de ferme urbaine, hors sol“, souligne Jeannick Le Lagadec. Plus projets d’aménagement urbain, que ce soit dans le cadre d’Inventons la Métropole ou de zac en cours de réalisation, rivalisent d’imagination pour faire pousser des légumes sur le toit ou les balcons (L’image de une illustre le projet Gagarine Truillot d’Ivry-sur-Seine qui prévoit 2 hectares d’agriculture urbaine). Pour identifier les opportunités, le plan propose de “mettre en place un outil de veille foncière partenarial, de mobiliser des leviers financiers pour le portage foncier et d’étudier l’opportunité de la mise en place d’outils de protection du foncier agricole.”
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Inciter à produire bio
Outre l’incitation à consommer bio, le plan veut encourager la production bio, non seulement en sensibilisant sur la question mais aussi en réformant l’aide départementale Adhom pour encourager les bonnes pratiques et en soutenant l’investissement public pour l’équipement agricole. Objectif : 30 % d’exploitants en agriculture biologique en Val-de-Marne en 2024.
Développer les expérimentations
Le cinquième objectif vise à innover en proposant des espaces d’expérimentations des pratiques culturales alternatives, en soutenant des expérimentations sur la remédiation et la dépollution des sols avec des partenaires scientifiques ou encore en expérimentant des plateformes de compostage des bio-déchets à usage agricole. Une politique qui passe par l’accompagnement des initiatives de chacun. “A l’Enva (Ecole nationale vétérinaire de Maisons-Alfort), il y a par exemple un gros volet agriculture urbaine qui explore l’animal en ville”, pointe Jeannick Le Lagadec.
Encourager les jardins partagés
Alors que fleurissent en ville les jardins partagés, qui figurent souvent parmi les initiatives proposées par les citoyens dans le cadre des budgets participatifs, le sixième objectif du plan vise à encourager ces projets tout en fournissant un appui pour analyser les sols. Le département, en charge des infrastructure des collèges, se propose aussi de développer des actions de formation à l’agriculture urbaine envers ce public.
Poursuivre le réseautage
Le septième et dernier objectif consiste à poursuivre le maillage du réseau d’acteurs impliqués à différents niveaux dans l’agriculture locale, ce qui passe par la poursuite des Rencontres de l’agriculture, le recensement des initiatives et les ateliers, conférences et visites. “Les Rencontres de l’agriculture ont rencontré beaucoup de succès, pas seulement auprès des élus mais aussi d’autres publics, avec plus d’une centaine de personnes lors de ces réunions. Les citoyens se sont emparés de ce sujet aujourd’hui et cela pousse les responsables à prendre en compte cette question“, relève Jeannick Le Lagadec. Le plan d’action voté ce lundi devra toutefois s’effectuer à “budget constant“, reconnaît toutefois l’élue.
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