Immobilier | Seine-Saint-Denis | 21/08/2023
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Saint-Ouen : quelle réhabilitation de la cité des Boute-en-Train pour arrêter le trafic de drogue ?

Saint-Ouen : quelle réhabilitation de la cité des Boute-en-Train pour arrêter le trafic de drogue ?

Quartiers enclavés, impasses, cubes grillagés… Pour réhabiliter la cité des Boute-en-Train, policiers, urbanistes et sociologues s’interrogent sur le lien entre l’architecture des barres HLM et l’implantation du trafic de stupéfiants.

À Saint-Ouen, les deux tours au cœur du célèbre marché aux puces de la cité des Boute-en-Train, avaient été vidées de leurs habitants en 2021, connues pour une forte implantation du trafic de stupéfiant.

La cité des Boute-en-Train promise à la réhabilitation

Un temps promise à la démolition, la cité, construite dans les années 60 sera finalement réhabilitée, faute de moyens, en logements mixtes, et son parking où s’accumulent les épaves de voitures se transformera en ferme urbaine.

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Dans cette cité aux 200 logements, on avait créé “toutes les conditions urbaines pour que cela ne fonctionne pas“, estime Jérôme Brachet, en charge de l’urbanisme à Saint-Ouen. “Un quartier enclavé, un grand parking en extérieur“, propice au trafic, “des voies en impasse : une catastrophe pour l’intervention des policiers“, énumère-t-il. “L’urbanisme des années 1960-70 a montré ses limites en n’étant pas adapté aux caractéristiques de la délinquance actuelle“, analyse Michel Lavaud, directeur territorial de la sécurité de proximité de Seine-Saint-Denis (DTSP 93, qui dépend de la préfecture de police). Cette architecture, dit-il,qui a “séparé le flux piéton des véhicules, ainsi les cités en dalle, ont permis aux dealers la captation de grands espaces vides“.

Les plans du futur éco-quartier des JO inspectés

Pour faire table rase du passé lucratif du point de deal, aux 20 000 euros de chiffre d’affaires quotidien, selon les estimations policières, la ville devra s’appuyer sur le Service de prévention opérationnelle (SPO) de la DTSP. Sans son feu vert, pas de permis de construire pour les projets de plus de 70 000 m².

Futur éco-quartier, le village des athlètes des Jeux olympiques de Paris-2024, réparti sur Saint-Denis, Saint-Ouen, et L’Île-Saint-Denis, a ainsi dû montrer patte blanche. Analyse de la résistance des matériaux, suppression des buissons ou des portes en verre, éclairage sur détection de mouvement… Les plans ont été scrutés dans le moindre détail.

Dans le cahier des charges du SPO, le hall d’immeuble doit être “un lieu de passage sans que personne ne puisse stagner“. Et les murs en gabions, cubes grillagés emplis de blocs, sont proscrits depuis les émeutes de 2005 et leur “détournement d’usage“, les pierres ayant servi de projectiles.

Le trafic n’a jamais cessé, il s’est adapté au changement d’urbanisme

Si on espérait régler le trafic, donc des problèmes socio-économiques, juste en rénovant les parties communes ou changer la morphologie des quartiers, on s’est trompés“, considère toutefois Gwenaëlle Legoullon, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à Lyon III.

Dans les années 1980 – 1990 est né le mouvement “Banlieue 89” avec l’idée que “les banlieues aussi ont droit à une certaine qualité architecturale“, rappelle l’universitaire. Des barres HLM sont alors détruites au profit d’immeubles plus petits, mieux intégrés au reste de la ville. Dans les années 2000, avec la création de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), un nouveau virage s’opère avec la “résidentialisation” des quartiers.

Mais “le trafic n’a jamais cessé, il s’est adapté au changement d’urbanisme“, affirme la chercheuse, pour qui l’habitat social “doit conserver sa vocation d’accueil, première étape à l’intégration à la Nation, contrairement au mirage de la mixité sociale“.

Ce n’est pas parce qu’il y a du trafic qu’il faut démolir

Depuis sa tour, rue Charles Schmidt à Saint-Ouen, Ahmed (prénom modifié) voit défiler sous ses fenêtres “24h/24 toutes les classes sociales“, venues se fournir en cannabis ou cocaïne. “Ce n’est pas parce qu’il y a du trafic qu’il faut démolir“, estime le père de famille, pour qui “cela ne résout rien“.

Un mur, coûteux, a été érigé autour de sa résidence par le bailleur social, empirant encore le trafic, ont conclu les acteurs locaux. Une “nuisance“, souligne Ahmed, qui ne l’empêche pas de se sentir “bien” dans son logement spacieux avec vue sur le Sacré-Cœur de Montmartre, à moins de cinq minutes du métro.

Par Wafaa ESSALHI

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