La fin des tickets de caisse imprimés, la startup DeeWee l’a anticipée dès sa création, en 2015, pionnière des tickets intelligents. Brutalement impactée par la crise sanitaire, la startup a su rebondir en revoyant complètement son modèle économique.
Les tickets en papier qui trainent au fond du sac avant de finir à la poubelle, l’ingénieure Ruoyun Liu, passée par Huawei et ZTE, en voyait déjà la fin lorsqu’elle a créé sa startup, DeeWee, en 2015. Le constat de la quadragénaire était simple. Alors que le commerce en ligne trace les clients de bout en bout et facilite la fidélisation, il n’en est pas de même en magasin. D’où l’idée d’un ticket de caisse intelligent, potentiellement interconnecté à un programme de fidélité.
Fin 2019, l’horizon s’annonce radieux pour l’entreprise, qui vit le rêve d’une startup, avec des investisseurs prêts à la faire décoller. Sur le plan commercial, un grand groupe de la restauration est intéressé par le produit. Mais la crise sanitaire vient briser net cet élan. “Nous avions lancé un projet pilote, puis les magasins ont fermé. Les investisseurs étaient motivés par la perspective de ce contrat, mais le client n’avait plus de visibilité et c’est tombé à l’eau. Et nous arrivions au bout de la trésorerie“, se souvient la cheffe d’entreprise.
Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série de portraits d’entreprise du Val-de-Marne réalisés avec le soutien de la Chambre de commerce et d’industrie. La CCI 94 a accompagné Ruoyun Liu dans le cadre du programme entrepreneurial Sup’Excellence, dédié aux femmes cheffes d’entreprise, puis Dynamik, dédié aux entreprises qui ont rebondi après la crise sanitaire.
Une évolution de l’offre au moment critique
Un crève-cœur après quatre ans de travail. Hors de question de tirer un trait sur “son bébé” pour Ruoyun Liu. Mais comment rebondir ? Alors que la crise sanitaire s’étire dans le temps, un client, l’Union des commerçants de Beaune, en Côte d’or, reprend contact. Ses commerces adhérents cherchent une solution pour moderniser leur carte de fidélité. Pour DeeWee, cette requête est l’occasion d’un nouveau départ, en diversifiant son offre de services. “Cette commande nous a permis de réutiliser tout ce que nous avions déjà développé en back-office pour la gestion des données des clients, des commerçants, et de le déployer rapidement, entre les deux confinements.”
Sonnés par les fermetures successives, les petits commerces ont, en effet, dû fortement s’adapter, expérimentant de nouvelles pratiques comme le click-and-collect, les places de marché pour vendre en ligne. Surtout, ils ont dû apprendre à fidéliser autrement que par leur accueil en magasin, en explorant toutes les opportunités du marketing digital.
Une opportunité que DeeWee saisit au bond. L’équipe de six salariés adapte son offre et remporte un appel d’offre lancé par une intercommunalité péri-urbaine alsacienne. “A Saverne, près de 5 000 habitants, soit la moitié de la population, utilise l’application que l’on a mise au point. Le service comprend notamment une carte fidélité qui offre deux heures de stationnement gratuit, une carte-cadeau territoire, une marketplace locale“, détaille Ruoyun Liu.
Adapter la cible à la nouvelle offre
Au-delà de l’évolution de son offre, ce pivotement implique aussi un changement de cible pour la startup. Alors qu’elle prospectait prioritairement les équipes marketing de grandes sociétés, elle se rapproche des collectivités territoriales et répond à des appels d’offre. “Quand je travaillais dans les télécoms, je me suis occupée de la commande publique, donc je m’en sors, confie la cheffe d’entreprise. Durant la période des restrictions sanitaires, les acteurs publics ont financé énormément d’actions, certaines ont fait des flops comme les plateformes de vente en ligne, qui ont été très utilisées avant d’être abandonnées. Aujourd’hui, ils cherchent des outils plus pérennes“, analyse-t-elle.
Dans ce contexte, Deewee s’est attelé à développer un couteau-suisse marketing. “L’idée, c’est de mettre entre les mains des petits commerçants, les moyens dont disposent des grandes enseignes pour attirer les consommateurs“, résume Ruoyun Liu. Les applications doivent permettre de proposer des offres spéciales en s’appuyant sur la base de données client, des promotions flash pour déstocker un produit, un programme de fidélité…
Qui va piano va sano
En quelques années, c’est finalement un changement complet de positionnement qui s’est opéré pour la PME. “Je crois que nous avons changé d’état d’esprit depuis le changement de stratégie, reconnaît sa fondatrice. Auparavant, nous tablions sur une croissance rapide avec des levées de fonds. À présent, nous sommes plus patients et comptons d’abord sur la croissance organique, au fur et à mesure. Mais si les résultats de nos produits sont probants, tout pourrait s’accélérer dès l’année prochaine… ”
Ancrage dans le Val-de-Marne
Un paramètre est resté stable dans le fonctionnement de l’entreprise, son ancrage en Val-de-Marne. D’abord installée dans les locaux de l’incubateur de l’Esme Sudria à Ivry-sur-Seine, elle a rejoint en 2019 l’hôtel d’entreprise de La Fabrique à Cachan.
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