Faute d’avoir appliqués la réforme des 35 heures de travail par semaine pour leurs agents, cinq maires de Seine-Saint-Denis étaient assignés en justice par l’Etat. Le tribunal administratif de Montreuil a décidé le 7 février de leur donner 40 jours pour délibérer. A l’exception de l’édile de Tremblay-en-France, ils ont décidé de faire appel.
“On pouvait bien attendre quelques mois pour laisser passer cette période très dure, durant laquelle ce sont nos territoriaux qui ont sauvé le pays !“, s’était emporté le 19 janvier Patrice Bessac, le maire PCF de Montreuil, devant le tribunal administratif. A ses côtés, trois autres maires communistes avaient fait le déplacement: Abdel Sadi de Bobigny, Azzedine Taïbi de Stains et Olivier Sarrabeyrouse de Noisy-le-Sec.
Avec François Asensi, le maire divers-gauche de Tremblay-en-France, ils étaient assignés en justice par le préfet de Seine-Saint-Denis pour refuser de lui transmettre les délibérations sur l’application de la loi des 35 heures par semaine à leurs agents, soit 1 607 heures de travail effectif par an.
La réforme de la transformation de la fonction publique accordait aux collectivités locales un délai d’un an à compter de juin 2020 pour harmoniser leur temps de travail.
Un délai de 40 jours
La décision du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil est tombé le 7 février: les cinq maires sont enjoints à délibérer dans un délai de quarante jours pour se mettre en conformité avec la loi.
Si le maire de Tremblay-en-France doit délibérer le 16 février, les quatre autres édiles ont fait appel de cette décision “afin d’allonger et sécuriser davantage ce délai de quarante jours“, expliquent-il dans un communiqué commun.
Du temps pour négocier
“J’avais adressé un courrier au préfet, avant les vacances de Noël, pour lui demander de nous laisser le temps de travailler sur notre concertation avec les agents. J’étais persuadé qu’on nous le donnerait…“, avait indiqué Azzedine Taïbi, le jour de l’audience.
Les communes avaient lancé des négociations. Dans le cas de Montreuil, elles avaient commencé en avril dernier, mais c’est un processus long, poste par poste, a-t-on expliqué dans l’entourage du maire. Et en pleine pandémie sanitaire, la priorité n’était pas là: “Est-ce que la chose la plus pressée au 3 janvier était de poursuivre les maires et les collectivités locales qui sont en train de se démener pour garder les écoles ouvertes?“, s’interrogeait Patrice Bessac. On pouvait attendre six mois un contexte plus propre à organiser les relations sociales.“
De son côté, Olivier Sarrabeyrouse pointait un ordre de priorité. “Abdel Sadi et moi on est de nouveaux maires et quand on est nouveaux maires ont à autre chose à penser que de restreindre leurs droits [des agents] alors que le gel du point d’indice les a rendu encore plus pauvres. Une de nos priorités à Noisy s’est de travailler sur la déprécarisation.” A Bobigny, Abdel Sadi s’était par ailleurs concentré sur la mise en place du régime indemnitaire de la fonction publique (Rifseep) “qui aurait dû être mis en œuvre en 2017. On avait demandé du temps au préfet.”
Pas d’astreinte
Dans sa décision, le juge des référés à toutefois levé l’astreinte de 1 000 euros par mois et par agent communal demandée par le préfet. Ce qui aurait représenté une sanction de 2 millions d’euros par mois pour la ville de Montreuil ou de 800 000 euros pour la ville de Stains. Une nouvelle accueillie avec soulagement même si l’affaire n’est pas réglée. Dans leur communiqué commun les quatre maires souligne d’ailleurs : “Nous prenons le risque d’un débat de fond contre celui, plus grand encore, d’un bricolage dans la précipitation. Nous ne jouerons pas avec les conditions de travail des salariés du service public.“
Libre administration
Pour Azzédine Taïbi “c’est une loi terrible de régression sociale.” Pour leur part, les organisations syndicales de la Seine-Saint-Denis (CGT93, FO93, CFDT93,CFE_CGC93, Solidaires93, FSU93 et UNSA93) ont adressé une lettre ouverte au préfet dénonçant une “loi rétrograde et destructrice“.
Sur le fond, les quatre maires contestent la loi au nom de libre administration des collectivités locales. Une position que le préfet de Seine-Saint-Denis, Jacques Witkowski, considère comme une “hérésie juridique“. “La loi doit s’appliquer partout. Il n’y aucune raison de faire des exceptions. Tout le monde a dû faire face au covid, pour tout le monde les relations sociales sont compliquées. Sinon qu’est-ce qu’on dit aux citoyens et aux autres maires?“, a-t-il réagi. Quelque jours auparavant, la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, faisait savoir que sur près de 35 000 communes, 200 étaient aujourd’hui en infraction.
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