Transports | Ile-de-France | 08/12/2022
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Ile-de-France : après la hausse du Navigo de 75 à 84 euros, où trouver le milliard d’euros qui va bientôt manquer tous les ans ?

Ile-de-France : après la hausse du Navigo de 75 à 84 euros, où trouver le milliard d’euros qui va bientôt manquer tous les ans ? © CD

Après une semaine de drama entre l’Etat et la région, le budget 2023 des transports en commun en Ile-de-France a été bouclé par un compromis de dernière minute. La question du financement de l’exploitation des nouvelles lignes demeure intacte. Des solutions sont sur la table pour financer ce nouveau périmètre, qu’il va falloir trancher pour sortir du bricolage d’urgence. Décryptage.

Le forfait Navigo, dont le tarif était gelé à 75,20 euros depuis aout 2017, passera à 84,10 euros en janvier, soit une augmentation de 11,8%. Le ticket à l’unité coûtera 2,10 euros (+10,5%), le ticket vendu à bord des bus 2,50 euros (+25%) et le forfait pour la semaine 30 euros (+31,6%).

Rattrapage pour les uns, dérapage pour les autres

Pour certains, ce rattrapage était inéluctable, après cinq années de gel total et inédit des tarifs, et il eut même été préférable de poursuivre des augmentations annuelles légères, plus indolores. Pour d’autres, à l’instar du PCF, cela aurait pu être évité en actionnant d’autres leviers comme l’augmentation ciblée du versement mobilité des entreprises.

Présidente de l’autorité régionale des transports (IDFM), Valérie Pécresse (LR) s’est pour sa part réjouie d’avoir pu limiter cette hausse, après avoir menacé de passer le forfait à 90 euros. Pour éviter ce bond en avant, l’Etat a mis au pot 200 millions d’euros, après une semaine d’échanges tendus avec la région par presse interposée. Désormais, le budget 2023 est bouclé, reste à s’attaquer à celui de 2024.

Une augmentation structurelle liée au nouveau périmètre des transports franciliens

Ce ne sera pas une mince affaire. Car, au-delà du contrecoup de la crise sanitaire et de l’inflation des prix de l’énergie, le coût d’exploitation des transports en commun en Ile-de-France va structurellement augmenter en raison de l’augmentation de son offre.

En 2022, ont été fêtées les extension de la ligne 4 jusqu’à Bagneux, de la 12 jusqu’à Aubervilliers, et encore le nouveau tram T13 entre Saint-Cyr et Saint-Germain-en-Laye. En 2023, sont attendus le tram T10 entre Antony et Clamart et le tram T12 entre Massy et Evry. Suivront, en 2024, le prolongement de la ligne 14 jusqu’à l’aéroport d’Orly au sud et à Saint-Denis Pleyel au nord, le prolongement de la ligne 11 à Rosny-sous-Bois. À venir ensuite : l’extension d’Eole à l’ouest et, surtout, le métro périphérique Grand Paris Express. Ce chantier du siècle va constituer un changement colossal dans l’architecture des transports métropolitains initialement conçue en étoile, en proposant plusieurs boucles autour de Paris. Un changement d’échelle destiné à accompagner la croissance de la population et lutter contre le réchauffement climatique, qui ne se fait pas à coût constant.

Un gros milliard d’euros à trouver tous les ans dès 2030

Exploiter ce nouveau périmètre implique notamment des investissements lourds en matériel roulant puis plus de personnels et de matériel d’entretien, même si une partie est compensée par de nouvelles recettes. À compter de 2030, les prévisions chiffrent ainsi les surcoûts d’exploitation de plus d’un milliard d’euros par an. En attendant, ce sont chaque année plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires qu’il va falloir trouver rien que pour compenser l’augmentation du périmètre, sans compter les autres aléas. Dès cette année 2023 en effet, les négociations de ces dernières semaines ont visé à boucler un budget auquel il manquait 450 millions d’euros.

Les leviers actuels de recette

Dans la structuration actuelle du budget, trois leviers permettent principalement de moduler les recettes : les tarifs (le chiffre d’affaires usagers représente un peu plus d’un tiers des recettes), le versement mobilité (une taxe payée par les entreprises franciliennes en fonction de leur masse salariale, qui représente un peu plus de 40% des recettes), et les contributions statutaires des collectivités locales (qui représentent un peu plus d’une douzaine de %).

Lire à ce sujet : Financement des nouveaux métros en Ile-de-France: la bombe à retardement

Parmi ces leviers, l’autorité régionale des transports a proposé, en prévision de la préparation du budget 2023, de moduler le versement mobilité des entreprises en fonction des territoires. Mais le gouvernement s’y est opposé car cela s’inscrit en contradiction avec sa politique économique. C’est ce désaccord qui a nourri la dramatisation du débat entre Etat et région jusqu’à ce que l’Etat débloque 200 millions d’euros pour limiter la hausse du Navigo. Un coup de pouce qui ne règle pas la situation sur le fond.

Des assises du financement des transports fanciliens le 23 janvier

Alors qu’un arbitrage politique est nécessaire pour éviter des bricolages et drama permanents, Valérie Pécresse, a annoncé ce mercredi, à l’issue du conseil d’administration d’IDFM, la tenue le 23 janvier des “Assises du financement des transports franciliens”, qui associeront tous les acteurs, dont l’État, mais aussi les usagers. “Je veux qu’on mette tout sur la table pour qu’on voie qui finance quoi“, défend celle qui est aussi présidente de région. Et de préciser que “le vrai coût” de l’abonnement mensuel Navigo est de 240 euros par mois.

D’autres pistes : baisse de TVA, taxe de séjour…

Au-delà du levier versement mobilité, la présidente d’IDFM a également suggéré une baisse de la TVA de 20% à 5,5% pour les transports en commun. “Les transports en commun sont un service de proximité. Et sur l’ensemble du pays, cette mesure ne coûterait que 400 millions d’euros à l’Etat, à mettre en regard avec les milliards d’euros dépensés pour éviter à tous les automobilistes, quelles que soient leurs ressources, de payer l’essence plus chère”, défend Bernard Gobitz, vice-président de la Fnaut (Association des usagers des transports), favorable à cette mesure. Valérie Pécresse a également évoqué la transformation du prêt Covid en subvention. “Cela s’est fait à Londres et Berlin“, souligne Bernard Gobitz. Une autre option, encore, serait de moduler la taxe de séjour sur les hôtels de plus de 4 étoiles. Autant de solutions à évaluer et arbitrer, à l’occasion de ces assises.

Rembourser le Navigo à 75 % ?

En attendant, Valérie Pécresse a invité, dans un communiqué, les employeurs publics et privés qui le peuvent, à payer 75% du forfait Navigo de leurs salariés au lieu des réglementaires 50%, et annoncé qu’elle ferait voter cette mesure en faveur des employés du conseil régional.

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